Inspiration 4, l’Europe boit la tasse…

« Ça suffit, la situation ne peut plus durer, le temps presse ! Si on décide de ne rien faire, on reste à jamais à l’âge de pierre pour les vols habités et ses ramifications, y compris vers la Lune, et on restera le vieux continent où le tourisme restera bien terre à terre… ».

C’est formidable !

Voilà que Didier Schmitt, responsable de la stratégie de l’exploration humaine de l’ESA se réveille après s’être​ pris la plus grande raclée de sa vie, par une vulgaire entreprise spatiale privée américaine…

Cherchez le coupable…

Les responsables de l’ESA se réveillent enfin après des décennies de sommeil. C’est une bonne chose et on ne peut que s’en réjouir, mais les propos de Didier Schmitt sont aussi choquants que déplacés. L’Europe n’invente pas grand chose et – bercée par un sombre cocktail de surabondance politique, d’administration et de pessimisme – elle se rend compte une fois de plus qu’elle s’est faite doubler par ses partenaires américains…. 

Oui, mais à qui la faute ?

Lorsque Elon Musk a annoncé qu’il voulait construire des fusées récupérables, le monde entier a certes émis des doutes sur la viabilité du projet, mais les seuls à prétendre que ce n’était pas possible étaient les experts de l’ESA. Lorsque la NASA s’est rendue compte dans la première décennie du siècle qu’elle ne pourrait pas réaliser ses objectifs sans l’aide de compagnies privées, une fois encore l’ESA à jugé que la conquête spatiale était du ressort des pouvoirs publics et non le contraire. Durant l’été 2020, quatre missions étaient supposées partir vers Mars… Trois d’entre elles ont accompli leur travail avec succès (USA, Chine et Emirats Arabes Unis). La seule qui n’est pas partie était celle de l’ESA (problèmes techniques et situation sanitaire). Et aujourd’hui, les responsables de l’agence spatiale regrettent de n’être qu’un simple partenaire des Etats-Unis​ et de ne pas avoir de souveraineté en matière de conquête spatiale. Pas de souveraineté en termes de cloud, pas de moteur de recherche ni de réseau social européen, de sombres projets concernant une constellation de satellites supposés distribuer l’Internet partout dans le monde (encore une fois à l’image de SpaceX), des montagnes de législations et un magnifique RGPD…

Trop de pragmatisme…

Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, il y a quelques années d’ici – lors d’un passage à Paris – nous avait légèrement bousculé en soulevant le fait qu’au sein de l’UE, nous avons une fâcheuse tendance à légiférer avant mêm​e​ qu’un problème n’arrive. C’est exact et nous possédons un arsenal de législations qui pourrait même faire pâlir le régime soviétique s’il existait encore. Mais au-delà de ce problème qui empêche clairement les entreprises d’avancer, nous sommes victimes d’une absence totale de capacité à… rêver. Nous ne rêvons pas et si c’est le cas, nous ne pouvons pas le partager car nous avons peur des réactions négatives des autres. Donc, que font les rêveurs ?

Ils s’en vont !

Si Inspiration 4 est une réussite, c’est avant tout grâce à un mélange de volonté, de moyens financiers (mais rappelons que SpaceX à été fondée à partir de rien), de possibilités, voire même de libertés laissées par les pouvoirs publics à cette entreprise et surtout et avant tout grâce au rêve d’un homme qui n’a jamais cessé de créer et de croire en ce qu’il fait. Et ce bien que de nombreux obstacles se sont mis sur sa route. Ces éléments manquent cruellement en Europe et tant que nous n’aurons pas le courage d’accepter ce constat, nous continuerons de rester en arrière et chaque fois qu’une nouvelle innovation verra le jour, nous resterons assis en nous demandant pourquoi ce n’est pas nous qui l’avons inventé.

La suprématie européenne, un raisonnement dépassé…

Revenons quelques instants sur la volonté européenne d’être souveraine – légèrement en retard – sur des choses qu’elle n’a pas eu le courage d’inventer…

Si aujourd’hui SpaceX a une très large longueur d’avance sur tous ses concurrents (publics et privés), nous venons de le voir, c’est avant tout grâce au rêve d’un homme. Mais c’est aussi un rêve qui inspire beaucoup de gens et parmi ceux-ci on ne doit pas ignorer que les principaux dirigeants chinois visent eux-aussi à faire la même chose. Et ce dont on peut être certain, c’est que la Chine affiche très clairement qu’elle en a non seulement les moyens financiers, mais aussi la volonté. Certes, elle est aussi (tout comme l’UE) victime de l’absence de cette formidable capacité de rêver qu’ont les américains (ou ceux qui migrent vers les Etats-Unis), car tout est régulé sévèrement par l’administration (Jack Ma, la victime cette fois, nous en fait la démonstration aujourd’hui) et c’est son point faible. Toutefois, on ne peut nier qu’un ogre est en train d’avaler le monde et que si l’on y prend pas garde, nous allons nous aussi nous faire avaler. Que vaut donc ce discours sur une prétendue suprématie européenne lorsque l’on sait que les américains – ou devrions-nous plutôt dire californiens ou les texans – sont le moteur de l’Occident et que nous n’inventons plus rien aujourd’hui ?

Soyons honnêtes avec nous même et admettons – avec de la bonne volonté – que nous avons ici quelques bons indices qui pourraient à ce stade nous faire avancer :

Premièrement, nous ne rêvons pas assez, pire encore, nous n’avons pas le courage d’aller jusqu’au bout de ce que nous voulons. Ensuite, il n’y a pas de suprématie européenne à prétendre dans des domaines dont nous ne serons jamais leader puisque nous ne les avons pas inventé (de plus, ce sont des domaines sur lesquels nous avons fermé les yeux pendant 50 ans). Une fois encore nous ne possédons pas la force de frappe des chinois. Enfin – les américains s’en rendront compte très vite – nous sommes trop petits que pour faire cavalier seul. Donc nous devons impérativement être complémentaires les uns des autres. Ce qui n’empêche pas non plus l’innovation d’un côté ou de l’autre. 

Faut-il pour cela être forcément en compétition ?

Rejoindre le groupe Facebook

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
6 ⁄ 2 =


Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut