C’est vrai, on ne parle plus aujourd’hui que des intelligences artificielles génératives. Bon il faut bien avouer aussi que quand une révolution éclate, ça fait couler de l’encre, beaucoup d’encre même…
Rassurez-vous, on ne parlera pas ici de Chat GPT, du moins de ses possibilités. Nous allons plutôt évoquer son interdiction récente en Italie. C’est plutôt le côté légal ou plus spécifiquement le côté moral de cet acte, qui nous intéresse ici.
La question est donc de savoir si un Etat peut, en effet, moralement se permettre d’interdire une innovation avec effet immédiat, tout simplement parce qu’il craint quelque chose, qui n’est pas encore arrivé et qui pourrait ne jamais arriver du tout, finalement ?
Bon, ça, c’est pour la version officieuse, mais attendez-vous quand même au pire pour la suite, car il existe forcément une version plus officielle (et plus douteuse)…
La nature même de ChatGPT n’est pas en concordance avec la très stricte législation en vigueur sur la protection des données – vous vous en doutez, le RGPD continue ici de faire des ravages – ce qui veut dire surtout que, d’un point de vue européen, si on donne raison aux autorités italiennes, nous ne pourrions peut-être jamais pouvoir utiliser des IA génératives dans l’Union Européenne. Cela voudrait dire que nous pourrions accuser un retard technologique considérable sur les pays qui auront accès à cette technologie, et forcément une fois de plus, élargir notre écart de productivité avec des pays comme les Etats-Unis et surtout comme la Chine.
Un paradoxe qui risque de nous mener dans une impasse…
L’Italie a-t-elle le droit moral d’interdire l’accès (unilatéralement) sur son territoire (ou surtout à sa population) à ChatGPT?
L’histoire se répète. Il faut bien avouer que cela n’est pas sans rappeler une administration Hollande qui interdit tout aussi unilatéralement l’application Uberpop, (en évoquant un prétexte sécuritaire) ou la ville de Bruxelles qui, quant à elle n’avait rien trouvé de plus intelligent que d’interdire tout simplement les services VTC de l’entreprise américaine… Et on passe sur les multiples tentatives d’attaques (voire même de démantèlements) – prétendues légales, mais très organisées par des lobbies – sur des entreprises qui bouleversent les modèles sociaux et économiques existants.
Bien entendu, l’Etat italien évoque ici, un aspect légal pour justifier un acte dont Benito Mussolini, aurait été lui-même digne (le titre de cet article n’était pas anodin). A savoir, prendre une décision sur le vif et la mettre en application avec effet immédiat. Mais, ce dernier pouvait se le permettre sans contestations, même si on sait que les conséquences de ses décisions furent désastreuses. Et les conséquences de cette interdiction par les autorités italiennes pourraient elles aussi, être désastreuses au niveau européen. Si l’administration italienne arrive en effet, à ses fins, d’autres membres de l’union pourraient à leurs tours s’y mettre aussi.
Rappelons que l’Italie, c’est quand même la troisième puissance économique européenne. Mais il s’agit aussi (et surtout) d’une économie extrêmement fragilisée qui, à maintes reprises a, à son tour fragilisé l’Union Européenne toute entière.
Bon, allez, ça c’était pour le contexte…
Donc récapitulons…
Des nouveaux modèles technologiques qui s’installent dans nos vies et font basculer des mécanismes sociaux qui se trouvent bien mis en place. A cela, il faut ajouter un retour de flamme autoritaire, très largement discutable, voire même très critiquable. Et tout ceci pourrait entraîner des problèmes économiques importants – voire même critiques - au niveau européen…
Oui nous avons parlé de ChatGPT, du RGPD, de Mussolini, de François Hollande et de la capitale européenne.
Quel rapport me direz-vous ?
Une peur chronique qui entraîne à chaque étape, des décisions cruciales prises émotionnellement. Des excès de législation(s). Des freins économiques et forcément un écart qui se creuse considérablement entre les nations (et le pire, c’est que cet écart nous concerne entre occidentaux) !
A cela, il faut noter que les autorités sont encore – aujourd’hui, à l’ère numérique – capables de pénaliser une population comme elles l’entendent (tout en faisant croire aux plus crédules que c’est pour leur bien). L’administration Hollande l’avait fait en son temps, l’administration bruxelloise a suivi et c’est aujourd’hui les autorités italiennes qui s’y mettent. Demain, vous pouvez le croire, nous assisterons à bien d’autres choses…
Pour l’instant Open AI (la maison mère de ChatGPT) a 20 jours pour se justifier devant la GPDP (en gros, la CNIL italienne).
Mais que se passerait-il si l’interdiction se prolongeait ?
Nous ne contrôlons pas l’avenir, bien au contraire, il nous échappe et finalement c’est une garantie que les libertés nous soient toujours accessibles !
Si le milieu universitaire peut se permettre d’un point de vue moral, d’interdire ChatGPT, parce que les étudiants ont vite trouvé la parade pour détourner un système académique et travailler plus vite en étant très efficace – entre-nous, qui ne l’a pas fait avec les moyens qu’il possédait en son temps – on peut admettre que cette décision peut-être justifiée, ne serait-ce que pour trouver le temps de s’adapter à de nouvelles pratiques. Mais cela ne veut pas dire que ces mêmes étudiants n’ont pas accès plus globalement à cet outil numérique. Et c’est bien ici que le bas blesse.
Mais que lui reproche-t-on au fait à ChatGPT ?
Globalement, nous avons comme reproche général, le fait de ne pas respecter la législation sur le traitement des données. Effectivement ChatGPT ne contient pas de filtre d’accès pour les moins de 13 ans, mais en gros, c’est une chose que Open AI pourrait résoudre rapidement. La question est de savoir si cela justifie pour autant une interdiction totale d’accès à l’outil.
Ensuite, les termes sont assez flous :
Les autorités italiennes notent “l’absence de base légale justifiant la collecte et le stockage massifs de données personnelles, dans le but d’entraîner les algorithmes sous-jacents au fonctionnement de la plateforme”.
Bon, dans les grandes lignes, une intelligence artificielle générative (IAG) tel que ChatGPT, évolue avec les questions qu’on lui pose (en fait c’est beaucoup plus complexe que cela, mais on va passer sur les détails). Donc, dans l’optique européenne, chaque question posée à la machine est de ce fait une violation des données personnelles. Logiquement, mais uniquement dans ce cas, pour le répéter platement, elle enfreint (comme beaucoup d’autres choses) le règlement sur la protection des données personnelles. Vous l’aurez donc compris, pas de questions, pas d’IAG.
Apparemment, on pourrait donc croire que les autorités italiennes ont pris les devants, du moins vu sous cet angle. Sauf que…
Le Bureau européen des unions des consommateurs (BEUC) avait, très peu de temps avant l’annonce italienne, demandé une enquête sur la protection des consommateurs et sur l’usage de leurs données par rapport à l’utilisation de ChatGPT. Accrochez-vous, car l’interdiction du bot a été déclarée une journée seulement après cette demande.
Nous avons vu plus haut que Open AI avait 20 jours pour fournir les garanties nécessaires pour apaiser les craintes italiennes (ou du BEUC), mais ici encore, le scoop du jour est qu’en cas de non réaction (ou de solutions), l’entreprise risque de se prendre une amende de… 20 millions d’euros.
Allez quand même donc chercher la faille dans cette histoire :
Le produit phare – révolutionnaire – d’une entreprise est interdit sur le territoire italien, donc en gros, c’est comme une station de radio qui ne peut plus émettre. La structure à un temps réduit pour résoudre les problèmes évoqués. Si elle trouve une solution, elle est réhabilitée. Si pas, devra-t-elle payer 20 millions d’euros, tout en étant interdite, proscrite ou autres choses ?
A noter que cette somme représente bien plus que le bénéfice, généré par cette modeste structure – américaine – depuis sa création. Ce qui est clair, c’est que l’on doit déplorer que les investissement récoltés par Open AI (venant notamment de Microsoft) doivent passer par des organisations officielles plutôt que dans la recherche et le développement de modèles qui pourraient améliorer considérablement la vie du citoyen lambda.
Alors, RGPD, machine à cash ou pas ?
Peut-être pour certains, mais certainement pas pour la majorité des italiens qui n’ont plus accès à ChatGPT et à tout son potentiel !