Uber et AirBnB font de l’ombre aux administrations, c’est une évidence. D’un côté, quand ce n’est pas l’industrie du taxi qui s’acharne sur l’un (n’oublions pas que taxis et administrations sont intimement liés), ce sont de nouvelles règles qui pénalisent l’autre. Quand les autorités obligent Uber à salarier les chauffeurs et livreurs qui utilisent sa plateforme en Angleterre ou en Suisse, c’est les mairies de Paris ou de Madrid qui sanctionnent les propriétaires qui mettent leurs biens en location. Bref, quand Uber et AirBnB innovent, inventent ou changent nos manières de vivre avec les autres, les administrations sont là pour rabattre le caquet de ces petits avortons qui osent les défier.
Une nouvelle génération d’entreprises…
Après les GAFA, une nouvelle génération d’entreprises a vu le jour. Tout comme pour cette précédente génération, il a fallu trouver un acronyme pour les quatre nouveaux élèves les plus prometteurs parmi ces jeunes pousses révolutionnaires. Sont donc sorties de terre les NATU (pour Netflix, AirBnB, Tesla et… Uber)…
Historiquement, ces quatres entreprises naissent des efforts des premiers. Sans leurs technologies, ces nouveaux venus n’auraient probablement jamais eu les moyens pour se développer aussi rapidement. Netflix a révolutionné le monde du cinéma et de la télévision. AirBnB a mis au tapis le secteur de l’hôtellerie. Quant à Tesla et Uber, ils ont révolutionné notre mobilité; Et tout cela en moins de 10 ans. Mais la malédiction qui frappe les GAFA, qui sont une cible régulière pour les administrations de nombreux pays – en témoignent les nombreux procès auxquels ces quatres entreprises doivent faire face au quotidien – semble elle aussi toucher Uber et AirBnB. Nous en avons la preuve tous les jours, les législations des grandes villes se multiplient pour contrer l’ascension d’un champion mondial de l’hôtellerie, qui ne possède matériellement aucune chambre d’hôtel et du premier service de voiturage, lui aussi mondial, qui ne possédait jusqu’ici aucune voiture…
Comment échapper à l’inquisition administrative ?
Que penser d’une capitale européenne qui a l’audace de rejeter l’innovation ?
Chacun dira ce qu’il veut, mais il faut bien avouer que même si la décision d’interdire Uber dans la région bruxelloise émane de la justice (donc supposée être véritable), elle entache néanmoins l’image d’une Union Européenne, déjà perçue comme une énorme (et très lente) machine administrative, largement en retard en termes de développement technologique. Plus généralement, le problème reste le même quelle que soit les villes dans lesquelles s’implantent Uber ou AirBnB. Elles font purement et simplement de l’ombre à un couple qui s’entend trop bien. Pourtant, à chaque fois qu’ Uber est interdit d’exercer ou que la pression fiscale tombe sur AirBnB, ce sont les propriétaires, les locataires, les usagers, les chauffeurs ou les livreurs des deux plateformes qui sont eux aussi attaqués.
La question est maintenant de savoir comment ces entreprises pourraient échapper à ces agressions permanentes qui menacent leur existence et par extension qui menacent aussi soit notre liberté de micro -entreprendre, soit notre pouvoir d’achat ?
La première idée logique est celle de la multiplication des secteurs d’activités vers lesquelles ces entreprises pourraient aller. AirBnB a par ailleurs créé une section Events, qui permet aux utilisateurs de la plateforme de proposer ou de bénéficier de stages ou d’expériences clients particulières. Uber quant à elle développe en ce moment un réseau de taxis volants. La deuxième solution consiste à s’écarter des grands centres urbains et de s’étendre sur les campagnes. Néanmoins, si cette solution est facilement accessible à AirBnB, qui par exemple loue des nuitées dans des églises au fin fond de la Grande Bretagne, et qui peut toujours y trouver son compte, elle l’est très largement moins pour Uber, qui a besoin d’une densité de population très forte – là où elle s’installe – pour pouvoir amortir ses investissements, trouver ses nombreux fournisseurs de services ainsi que ses clients.
Un retournement de situation efficace…
En ce mois de novembre 2021, la capitalisation boursière de Tesla vient de dépasser les 1.000 milliards de dollars. Une prouesse exceptionnelle pour un petit constructeur automobile et c’est en partie à Uber que Tesla le doit…
A l’annonce de l’achat de 100.000 d’unités Tesla par le loueur de véhicules Hertz, l’action s’est effectivement emballée et Uber était largement associée à l’opération, puisque 50.000 de ces voitures sont réservées à ses chauffeurs. Le but étant de diversifier ses activités, notamment en louant des Tesla à ces derniers pour un forfait de 334 dollars par semaine (puis un peu moins de 300 dollars pour les semaines suivantes). Ce tarif comprend à la fois l’entretien du véhicule et les assurances qui vont avec. C’est une stratégie astucieuse sur plusieurs points :
Premièrement Uber renforce l’expérience de ses clients en les faisant voyager dans un véhicule très différent des véhicules traditionnels. Ce qui veut dire aussi que les chauffeurs devront multiplier leurs efforts pour renforcer celle-ci. Ensuite l’entreprise tente d’enrayer l’image d’un covoiturage polluant, tout en marchant sur les pieds de l’industrie des taxis qui ont le sait, ne se donnera pas les moyens d’en faire de même, avant qu’elle ne soit vraiment obligée de le faire (ce fut le cas à New York sous le mayorat de Michael Bloomberg). Troisièmement, Uber crée un environnement de travail agréable pour les chauffeurs (accès à un outil de travail à prix démocratique, véhicule attrayant, etc.) et enfin l’entreprise se rapproche à la fois de Hertz, mais aussi et surtout de Tesla. Et même si Uber – fortement victime des confinements successifs – vient de se débarrasser d’une filiale qui développait des technologies de conduites autonomes, l’intérêt pour ces dernières ne s’est pas estompé. Hors, on sait que Tesla est proche de réussir la performance dans laquelle du jour au lendemain, les propriétaires des véhicules de la marque seraient les heureux passagers de la première flotte de véhicules autonomes de la planète. Pour Uber, c’est simple, net et efficace et cela réduit fortement les frais en recherche, en développement et surtout en production.
S’il ne serait pas raisonnable de parler de mariage entre les deux entreprises – et il y a peu de chances pour que cela arrive – il est cependant important de mettre l’accent sur le caractère tout particulier de la complémentarité des quatre NATU. Au contraire d’ailleurs des GAFA, leurs domaines respectifs ne peuvent pas les entraîner dans des relations de concurrence. Aussi une association qui verrait AirBnB déployer un réseau de location immobilier dans lequel les utilisateurs y accèderaient en Tesla via des services de covoiturages Uber, n’est pas forcément hypothétique (ce dernier échapperait alors à sa dépendance aux zones d’habitation à forte intensité) . C’est peut-être loin de nous, mais cela pourrait devenir une réalité sur le long terme. Toujours est-il que deux entreprises qui semblent être affaiblies par les autorités aujourd’hui, n’ont pas encore dit leur dernier mot et nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises en ce qui les concerne.
Donc, le meilleur reste encore à venir, et c’est très bien comme cela !