La technologie, quelle qu’elle soit, a toujours été un générateur de changements pour l’Art et de fait, elle a toujours engendré une remise en question pour les artistes…
Si l’on considère la notion de perspective, théorisée par Leon Battista Alberti au 16°siècle comme une technologie, on ne peut qu’admettre que cette dernière a considérablement changé la façon dont les artistes peignaient jusqu’alors.
Qu’ont dû penser ces derniers, alors qu’ils n’avaient jamais imaginé que la profondeur pouvait être envisageable sur une surface plane ?
Un changement brutal qui devient générateur d’une rébellion intellectuelle…
Sur cette base, on pourrait considérer que l’arrivée de la peinture à l’huile est, elle aussi, une technologie et qu’elle a dû fortement changer les habitudes des peintres, tant dans la pratique que dans des projections temporelles. L’huile étant plus résistante aux ravages du temps…
Ici encore, il est probable que beaucoup se sont dressés contre cette innovation !
Cependant la peinture, avec la perspective et la peinture à l’huile, n’ont pas considérablement changé les bases même de la discipline. En gros elle restait la plus réaliste possible (graphiquement parlant), en grande partie religieuse ou bien portraitiste, jusqu’au XVII° siècle du moins. Et ce fut comme cela pendant longtemps (notons que les néérlandais l’ont orientée – protestantisme oblige – vers d’autres sujets plus relatifs au quotidien des gens), précisément jusqu’au moment où la photographie a significativement commencé à se généraliser vers les années 1870.
Cette nouvelle technologie permettait alors de reproduire avec une réalité presque extrême (toutefois relative à la technique), les portraits et les paysages que les artistes avaient auparavant passé des heures à peindre.
Le questionnement de ces derniers sur les valeurs fondamentales de l’Art s’est donc concentré sur le but de ce que devait devenir ce dernier, à un moment de l’histoire ou il n’avait plus aucun sens. Notez que nous parlons ici de sens, ce qui suggère aussi que beaucoup auraient pu envisager sa disparition complète au profit de cette technologie émergente qu’était la photographie. Une fois de plus certains – nombreux peut-être – ont dû se révolter contre cette innovation qui venait bousculer leur vie.
Faisons marche arrière et observons la production artistique réalisée depuis 1870 ?
Elle n’a jamais été aussi prolifique dans l’histoire que sur cette période !
Elle a même atteint un niveau de créativité jamais vu auparavant…
Sortir des sentiers battus !
Chaque artiste est lui-même devenu un innovateur en se libérant des carcans imposés par les normes académiques préétablies et en se détachant progressivement des institutions artistiques dans les années 1950.
Deux remarques à ce propos cependant :
Premièrement, il faut noter que la volonté des artistes de se détacher de l’académisme a engendré aussi l’apparition de nouvelles institutions qui font – dans un autre registre – la pluie et le beau temps sur les critères artistiques… valables et communément admis. Le second point concerne les dates relatives aux artistes qui ont voulu très tôt sortir d’un académisme préfabriqué ou préétabli. Nous parlions ci-dessus de la décennie 1870 et en effet, il s’agit là d’une période dans laquelle de nombreux historiens d’art s’accordent pour déterminer les débuts de l’Art moderne. Cependant la volonté de faire bouger les choses remonte encore plus loin…
Nous sommes au début du XIX°siècle et trois artistes montrent une franche volonté de se détacher du classicisme et de ce que le système académique leur impose. Ils sont anglais, français et espagnol. Vous l’aurez certainement deviné, il s’agit de William Turner, d’Eugène Delacroix et de Francisco de Goya. Tous les trois ont clairement montré une volonté très nette de rompre avec le système et ce bien avant l’apparition et la généralisation de la photographie qui a engendré ce que l’on appelle aujourd’hui l’Art Moderne. Ces trois personnages démontrent clairement que la volonté de faire bouger les choses fait partie de l’ADN des artistes !
Les écoles d’Art se sont aussi généralisées au cours du XX°siècle :
La deuxième révolution industrielle a, de fait, forcé les administrations à rendre l’école obligatoire, mais il fallait aussi former les nouvelles générations aux multiples tâches graphiques que demandait l’Industrie. Une nouvelle forme d’Art industriel est donc venu marcher à côté de l’Art traditionnel. Celui-ci repoussant toujours encore plus les limites de la créativité.
Bandes dessinées, logos d’entreprises, posters publicitaires et autres, se comptent aujourd’hui en centaines de milliards et pendant ce temps les artistes continuaient eux-aussi à créer des centaines de milliers d’œuvres. A un point tel d’ailleurs qu’ils sont devenus trop nombreux aujourd’hui !
Une production artistico-commerciale meurt très vite car elle suit une mode. En revanche une véritable œuvre d’Art reste dans le temps et c’est probablement ce qui les distingue l’une de l’autre. Le constat est que nous n’avons plus assez de place, mais aussi que les gens n’ont plus assez d’argent que pour pouvoir avoir accès à l’Art véritable….
A cela il faut ajouter la concurrence de l’industrie qui substitue des produits pseudo artistiques à prix cassés par rapport à une œuvre unique. Il faut aussi rappeler que la technologie est surtout – depuis l’apparition de la photographie – intimement liée à l’Art ou s’y intéresse de très près, jusqu’à parfois fusionner avec elle. Dans ce registre on peut citer bien entendu le mouvement du Pop Art qui dans les années 1960 va rechercher l’essence même du capitalisme et d’une société de consommation naissante. La machine intriguait déjà les artistes au début du siècle, en Italie, notamment avec le mouvement Futuriste. Ce qui change avec le Pop Art, c’est que la machine est utilisée comme support fondamental de production de l’œuvre d’Art. Et c‘est là que tout change puisque nous pouvons clairement parler d’une fusion entre l’un et l’autre. Les artistes du mouvement Land Art utilisaient eux-aussi le matériel très lourd de l’industrie de la construction comme des pelleteuses, des bulldozers et autres machines lourdes qui remplacent alors les pinceaux que les artistes avaient utilisés autrefois.
Tout est devenu de l’art à partir des années 1950…
Les nouveaux réalistes en France, avec Arman et Yves Klein, ont repoussé les frontières de la créativité de manière considérable, allant même jusqu’à intégrer tous les éléments de la nature dans les œuvres qu’ils produisaient (y compris les dérives humaines). Robert Rauschenberg parcourait les rues de New York et ramassait des pneus et autres objets produits industriellement pour les intégrer à ses travaux. Pour ce qui a succédé à l’Art Moderne (à savoir l’Art Contemporain) les exemples se comptent par milliers, mais ce qu’il faut surtout en retenir c’est que la photographie aura amené l’Art vers une fusion avec la production industrielle.
Ensuite arrivent les années 80 et les interfaces graphiques…
Maquettistes, architectes d’intérieurs, graphistes, publicitaires, personne n’est épargné et tous doivent faire face à une certaine réalité :
Nous sommes forcés désormais d’utiliser un clavier et un écran pour être beaucoup plus efficace.
Sommes-nous face en 2024, au même type de révolution que celles de nos prédécesseurs ?
Non pas vraiment, car les interfaces graphiques faisaient considérablement gagner aux entreprises en termes de gains de productivité.
Cela concernait-il seulement les professions artistico-commerciales ?
Oui – bien qu’ils pouvaient eux aussi gagner en gain de productivité mais aussi en gains de créativité – les artistes ont continué à faire leur travail. Comme nous venons de le voir, l’industrie a imposé l’ère de la reproduction à bon marché, pour preuve, il est très facile d’avoir une reproduction d’une œuvre d’Andy Warhol dans son salon pour quelques euros seulement. Cela a en quelque sorte dévalorisé la production artistique réelle, d’autant plus que cette même production ne cesse d’augmenter. Si on ajoute à cela les différents facteurs économiques et sociaux que nous avons cités ci-dessus, il n’y a rien d’étonnant à ce que le marché de l’Art soit aujourd’hui muselé par une poignée d’acteurs qui tiennent très fermement leurs clients (aux poches pleines).
Le résultat est qu’il n’y a plus beaucoup de place pour les autres !
Un peu plus de 40 ans ou un peu moins de 50 ans après l’arrivée des interfaces graphiques – 1985 étant l’année du lancement officiel du Macintosh, sous la direction de Steve Jobs, lui-même – voici que les artistes sont à nouveau confrontés à une nouvelle remise en question et non la moindre, puisqu’il s’agit de celle de la généralisation des intelligences artificielles génératives. En gros, nous avons donc du pain sur la planche et si nous ne nous retroussons pas les manches et bien, nous aurons raté une formidable opportunité de faire ce que nos ancêtres ont eu le courage de faire !
C’était bien ?
Bon…
Mais ce n’est pas tout, car une époque formidable c’est aussi un site Web et des centaines de réflexions qui traitent des problématiques de notre monde et c’est aussi…
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