Tout commence gentillement…
Nous sommes fin 2017 et le plus gros constructeur de smartphones chinois s’installe dans l’Union Européenne. Il marche sur des œufs, sans faire grand bruit, voire même en affichant une ambition très timide. Un peu plus de trois ans après, il est devenu le premier vendeur de smartphone dans l’UE (au premier semestre 2021) et arrive même au chiffre hallucinant de 30% des ventes de smartphones sur le marché français…
Bruxelles, we have a problem…
Avant de rentrer dans le vif du sujet – à savoir les connexions qu’entretient Xiaomi avec le gouvernement chinois – il convient tout d’abord de se demander comment nous en sommes arrivés à une situation dans laquelle ce nouvel acteur (chinois) détrône en si peu de temps les acteurs traditionnels comme Google, Samsung ou Apple qui sont les véritables précurseurs dans le domaine depuis plus de dix ans. D’autant plus que l’on ne peut pas parler ici d’immobilisme de la part de ces derniers.
La réponse est en fait relativement simple :
Xiaomi propose des produits compétitifs par rapport aux produits coréens et américains, mais sait aussi parfaitement utiliser les plateformes sociales pour les promouvoir. L’entreprise chinoise affiche une présence sur tout ce qui est à la mode (avec un message qui est lui aussi à la mode), surtout sur un public jeune qui possède par définition un pouvoir d’achat limité. Les lancements de produits se font donc sur Twitch, sur les plateformes d’E-sport et bien entendu sur… Tik Tok. C’est pratique en fait, on répand l’application en vogue dans la population Gen-Z et quand ce beau petit monde a adopté en masse le réflexe à la mode, on lui vend le smartphone qui va lui donner accès à de multiples produits et services qui vont asseoir une position indiscutable de numéro 1 sur le marché (ou pour être plus précis sur un segment très porteur surtout sur le long terme). Bon, tout ça serait très bien s’il s’agissait d’une entreprise qui n’était pas à la botte du gouvernement chinois, mais c’est loin d’être le cas et c’est maintenant qu’il faut commencer à ouvrir les yeux très sérieusement sur une dépendance technologique potentielle de l’Union Européenne par rapport à la Chine…
Un triple front engagé sur l’Europe…
Si Xiaomi en vient à occuper une position prédominante sur le marché des smartphones, que des applications comme Tik Tok s’imposent comme réseaux sociaux et que Huawei s’impose elle aussi sur les équipements 5G, voir même 6G, dans peu de temps on ne pourra plus dire que l’on a fait entrer le loup dans la bergerie, mais que nous en sommes désormais au stade dans lequel tous les animaux se sont fait manger….
Quelle sera la prochaine étape… Alibaba devant Amazon ? Tencent contrôlant toutes nos activités du quotidien avec sa super-App WeChat ?
Il y a encore peu de temps de cela, le président chinois ne cachait pas ses ambitions d’utiliser la reconnaissance faciale pour réguler le bon comportement des individus. Les chinois ont entre-temps, eux, eu droit au crédit social. En gros, un capital de points attribués au bons et au mauvais comportements des chinois et de tous les sujets des provinces asservies (peu objectif, car l’administration chinoise recommande de se comporter en bon camarade et non en personne libre). Il faut ajouter à cela que depuis un an, le gouvernement communiste s’attaque de front à ses grandes entreprises technologiques en resserrant toujours un peu plus le contrôle. Un étrange rappel à l’ordre pour démontrer aux jeunes ambitieux qui est réellement celui qui impose les règles du jeu. Ajoutons à celà que dans le courant de ces dernières semaines, c’était la jeunesse qui était visée par le pouvoir, avec des crédits d’utilisation pour les jeux vidéos et la présence sur les réseaux sociaux (et qui sait bientôt, la présence en ligne tout simplement).
Tout ceci démontre une ambition de l’administration chinoise très claire…
Pendant les vingt dernières années, les officiels ont ouvert les possibilités aux particuliers de créer des entreprises et de pouvoir participer à l’aventure numérique. Mieux encore, elles ont ouvert les robinets monétaires et permis à ces entreprises de devenir de véritables mastodontes technologiques, équivalents aux entreprises américaines. Mais lorsque la liberté individuelle a commencé à menacer la suprématie administrative, les choses ont changé. Les dirigeants de ces entreprises se sont vu confronté à une nouvelle règle : Désormais lorsqu’une entreprise devient trop puissante et que son leader attrape un peu la grosse tête et se permet de remettre en question les décisions officielles, il est convié à abandonner son poste pour se recentrer sur l’essentiel. A votre avis, de quel monde provient la personne qui lui succède ?
Après l’Afrique, l’Europe ?
Le silence prolongé de Jack Ma (le fondateur d’Alibaba) était un signal d’alarme et cela nous a malheureusement échappé. La Chine a créé des monstres technologiques que l’on aurait pu croire incontrôlable – pendant tout un temps – uniquement sur les marchés chinois et africains. Pourtant elle nous prouve aujourd’hui qu’elle a toutes les capacités de contrôle sur ceux-ci et qu’elle peut délibérément les lancer sur les cibles de son choix. L’ascension de Xiaomi en Europe témoigne une fois de plus de la force de frappe trop efficace d’une économie hyper centralisée et hyper contrôlée. Il reste néanmoins à savoir comment cette force de frappe va avoir une influence sur nos vies d’européens. Il n’est pas nécessaire de rappeler que nous ne savons pas ce que sont véritablement les ambitions de la grande Chine communiste pour sa petite sœur socialiste. Une petite sœur que l’on charme avec des produits adéquats et envers laquelle on ne montre aucune agressivité. L’UE se distingue dans ce sens des Etats-Unis puisqu’elle n’affiche aucune agressivité économique (du moins si c’est le cas, les tentatives sont timides) envers son voisin de l’Est, ce qui la rend docile, donc vulnérable. Rappelons que l’administration Biden n’est pas pressée de revenir sur les sanctions de l’administration Trump et que de ce fait la guerre commerciale qui oppose les deux nations est maintenue. Il est grand temps que nous choisissons un camp et il s’agit d’aller vite parce que la machine chinoise est lancée et tout démontre qu’elle va broyer tout ce qu’elle rencontre sur son passage.
Une chose est néanmoins certaine, c’est que le débat houleux sur les excès des GAFAM et de cette prétendue colonisation de l’Europe qu’il nous font subir, va très vite se reporter sur les BATX chinois. Si ce n’est pas le cas, c’est que nous aurons vraiment été endormis par la technologie. Dans l’autre cas, nous reviendrons peut-être au bon sens en acceptant vraiment la réalité de ce monde…