Que faisons-nous avec notre temps d’écran ?
C’est la question que pose le dernier ouvrage d’Olivier Babeau, La tyrannie du divertissement…
Le constat est clair, au cours de l’histoire (moderne en tous cas), l’humain a gagné énormément en temps de liberté, non seulement car le nombre d’heures de travail a diminué fortement au fil des décennies, ce qui est plutôt positif au regard de ce qu’il était encore au début du XX° siècle, mais aussi parce que les gains de productivité se sont considérablement développés avec la technologie.
Le problème est toutefois de savoir – et c’est le sujet même du livre dont nous parlons ici – a quoi, aujourd’hui, nous passons ce temps précieux qui nous est donné et il faut bien admettre que le constat est assez… préoccupant !
Un capital esprit/temps désormais prisé par les entreprises du divertissement.
“Notre pire concurrent, c’est le sommeil !”
Cette phrase désormais devenue célèbre est la colonne vertébrale de la philosophie du cofondateur de Netflix, Reed Hastings et elle résume bien le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui…
Rien que sur l’année 2021, rien que pour les Etats-Unis, 559 séries ont été diffusées par les grandes plateformes de streaming ou en prime time. C’est purement démentiel, surtout qu’il faut ajouter à cela les séries produites par les chaînes de télévision ou les maisons de production des autres pays (Casa Del Papel par exemple), les centaines de films qui viennent s’ajouter chaque années à un catalogue qui en compte des dizaines de milliers et tout cela, c’est bien entendu sans compter les centaines de milliers de vidéo que nous pouvons voir sur des plateformes comme Youtube. Bref nous n’avons plus la place disponible, tellement l’offre est devenue gigantesque. Notons aussi qu’il y a aussi trop d’écrivains, trop d’artistes et que la technologie est aussi là pour amener un peu plus de monde sur des marchés déjà trop convoités que pour trouver des éditeurs ou des galeries d’Art.
Est-ce un problème ?
En réalité, tout dépend du point de vue…
Un enfant vivant dans les années 70 aurait rêvé d’avoir l’offre que nous avons aujourd’hui. D’un autre côté, il faut admettre que de gros moyens financiers et énergétiques (denrées, on ne peut plus importantes aujourd’hui) sont souvent utilisés pour des productions médiocres. Il faut donc admettre que nous assistons à un très fort gaspillage de ressources car nous voyons d’une part un appauvrissement des productions – donc aussi de l’esprit humain – et d’autre part nous ne sommes plus capables d’assumer la quantité de ce qui est mis à notre disposition.
Ajoutons à cela que les bonnes productions qui ont été faites par le passé, ne sont plus du tout accessibles ou presque. Nous sommes donc aussi en présence d’une mauvaise utilisation de notre patrimoine culturel…
Quoi, se passer d’écran ? Pas possible !
Le constat est donc clair, notre esprit est absorbé par nos écrans, qu’il s’agisse de TV, d’ordinateurs, de tablettes, de liseuses ou de smartphones. Quand nous n’y avons pas accès à des fins professionnelles, nous les utilisons pour faire de la recherche, pour apprendre ou nous détendre (ou nous distraire plus précisément). En résumé, une majorité de la population mondiale est tout simplement… accro !
Certains le sont bien entendu plus que d’autres et c’est dans les couches de population les moins aisées qu’on les retrouve…
Quoi de plus logique, finalement ?
La distraction disponible immédiatement éloigne temporairement des problèmes du quotidien et il est tout à fait naturel que plus les problèmes – souvent financiers – sont là, plus on cherche à les oublier. Marcher dans une forêt et réfléchir aux problématiques de sa vie et du monde, écrire, peindre ou dessiner, lire ou inventer des nouveaux concepts pour révolutionner le monde sont souvent des choses beaucoup plus difficile d’accès, non pas financièrement, puisqu’elles ne coûtent rien ou presque rien (comme un matériel de peinture de base), mais intellectuellement, pour des gens qui n’ont pas eu la formation et l’éducation requise pour apprécier ce type d’activité, c’est plutôt compliqué.
S’auto-défaire des réseaux sociaux ou en limiter le temps d’utilisation est une chose simple à faire quand on a la passion d’aller marcher. Mais même dans ce cas, les problèmes du quotidien restent alors qu’en revanche une série, un film, une vidéo ou un post Facebook ont tendance à les faire oublier. Mieux encore dans le cas de ce dernier, il permet de les exprimer voire même de les cracher pour expier ses frustrations, et forcément, en retour, la communauté réagit, approuve, like, et c’est là que la machine à fabriquer de la dopamine se met en marche !
Non effectivement, soyons lucide ce n’est pas possible !
A la fin du livre, Olivier Babeau évoque différentes astuces qu’il utilise pour lui même se détacher de son addiction à l’écran, évoquant même ses enfants qui passionnés par le football ont utilisé l’écran (dans son sens large) pour des recherches liées à leur passion (et non pas forcément pour jouer à des jeux vidéo)…
Ce qui nous amène au constat suivant :
Nous ne pourrons clairement plus nous passer de l’écran car l’ère dans laquelle nous vivons est basée entièrement sur celui-ci. Sans l’écran tout s’effondrerait – et il en aurait été de même avec l’industrie au cours des deux siècles passés – à moins de tomber dans une collapsologie consternante et de vivre à la façon des Hamish (qui déploient néanmoins des supermarchés un peu partout aux Etats-Unis et qui utilisent quand même des coolers boxes pour conserver les aliments qu’ils vendent sur les marchés).
La question est donc de savoir ce que nous pouvons faire du temps disponible que nous avons – dans un sens constructif, y compris pour son propre bien être – et comment partager ce temps avec notre temps d’écran ?
La réponse se trouve simplement dans la vie que nous voulons mener…
Plus elle sera trépidante, moins nous serons apte à nous distraire. Plus elle sera intéressante intellectuellement, plus nous utiliserons notre temps d’écran pour la recherche ou pour l’écriture. Plus elle sera passionnée, plus le temps d’écran sera bien utilisé et s’éloignera de la distraction.
A l’inverse, moins une vie est intéressante socialement, intellectuellement ou professionnellement – n’oublions pas non plus que l’artisanat requiert des compétences manuelles poussées et qu’il peut être extrêmement enrichissant et passionnant – plus le risque d’avoir besoin de la remplir avec des plaisirs instantanés et éphémères est présent.
Des enfants, adolescent ou jeunes adultes qui pratiquent des activités comme le dessin, la musique ou la danse, mais qui ne veulent pas forcément en faire un métier, auront toujours un monde intime dans lequel se réfugier pour échapper à ces plaisirs immédiats et ici nous ne parlons pas forcément uniquement d’écran, mais aussi de toutes autres tentations bien plus dangereuses (bien que l’écran puisse aussi les attirer vers des travers risqués)…
En cela, la différence entre les casques de réalité virtuelles et augmentées d’Apple et de Meta est très intéressante car le premier entraine l’utilisateur dans une vision de sa vie augmentée et pas forcément dans un espace comme celui d’Horizon World qui transpose la vie d’un individu dans un espèce d’univers à la Disneyland. D’un côté, nous avons donc un outil pratique qui améliore la qualité de notre vie, de l’autre une mutation de cette vie dans un univers qui mèle à la fois vie pratique et distraction.
Nous faisons donc ici un pas de plus dans cette tyrannie de la distraction dont parle Olivier Babeau, mais il n’est pas vraiment certain que la mayonnaise prenne car nous somme à plus d’un an et demi du lancement du Métavers Made in Meta, mais on est encore très loin des 100 millions d’utilisateurs enregistrés en quelques heures pour son nouveau service Threads…
C’était bien ?
Bon…
Mais ce n’est pas tout, car une époque formidable c’est aussi un site Web et des centaines de réflexions qui traitent des problématiques de notre monde et c’est aussi…
Un bureau de rédaction, d’illustration et un service de sponsoring !
Ah oui, au fait, nous sommes aussi sur Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et nous avons aussi un groupe sur Facebook sur lequel nous pouvons discuter de toutes les problématiques qui se posent à nous, donc on vous y attend car nous avons besoin de vous !