Cette fois, c’est fait !
L’Union Européenne a décidé de s’attaquer – avec un peu de retard sur ses pays membres – au statut des travailleurs des plateformes en rédigeant un projet de loi visant à mieux encadrer ceux-ci. Du moins c’est le léger parfum de fraise qui embaume l’obligation pour les plateformes numériques d’employer les prestataires de services qui travaillent par son intermédiaire.
Forcer une entreprise à embaucher des milliers de personnes, chacun bien entendu appréciera à sa juste valeur cette démarche…
Tirez pas sur l’ambulance !
Il n’est pas nécessaire de se poser la question sur l’origine de ce projet qui concerne (quand même) 28 millions de personnes dans l’Union Européenne. D’une part, il y a ceux à qui les plateformes font de l’ombre et d’autre part, il y aussi la crainte que le statut de salarié ne s’efface progressivement au profit d’une main d’oeuvre entièrement libre, qui échapperait au contrôle de l’administration et qui pourrait surtout mettre en péril tout le système de la sécurité sociale. S’attaquer au statut de faux indépendant, était donc l’axe indispensable par lequel il fallait passer pour mettre à mal la gig economy (et charmer le cœur des pouvoirs publics). Pourtant, cette nouvelle économie, qui n’a guère plus de dix ans, représente une porte de salut honorable qui pourrait à terme éliminer tout problème de chômage. D’ici 2025, ces prestataires de services devraient être plus de 40 millions. Une fois encore, il n’y a pas de secrets, car tout ceci est dû aux changements d’habitudes de la population en termes de consommation, et il est clair que cette situation assure un avenir radieux pour des entreprises comme Uber ou Deliveroo. Il faudra de plus admettre qu’avec l’évolution de la robotique et la numérisation des produits (ou des services), l’ubérisation est une véritable passerelle pour les emplois – et les professions – qui disparaissent. La question est maintenant de savoir si l’administration pourra vraiment faire face à une armée de chômeurs tout en continuant à faire la fine bouche ?
Et Boum !
C’est un sujet délicat, d’autant plus que la migration professionnelle fait, elle aussi, son bout de chemin. Nous avions déjà ces véritables aspirateurs de talents que sont les pôles technologiques, mais aujourd’hui, c’est le télétravail qui accentue des migrations de court terme. Pour preuve, il suffit de regarder la progression fulgurante du chiffre d’affaires d’AirBnB, qui a par ailleurs reversé aux communes françaises cette année, la modique somme de 93 millions d’euros pour la taxe de séjour (à la place de 58 millions en 2019). Si le télétravail est lourdement conseillé pour tenter de limiter l’épidémie du COVID 19 (variant Omicron cette fois), dans les grandes lignes, il n’y a rien qui vous retient à prendre le large et de travailler à distance. C’est d’ailleurs ce qui explique la montée en puissance d’AirBnB. Un autre phénomène important est que le télétravail permet lui aussi d’engager une main-d’œuvre restant dans les pays en voie de développement. L’Inde a par ailleurs tout misé sur le numérique au tout début de l’aventure, dans les années 90. De nombreux employés très qualifiés en informatique sont donc aujourd’hui largement en mesure de travailler pour une entreprise installée sur le sol européen, sans sortir de chez-eux, avec – cerise sur le gâteau – des prétentions salariales revues à la baisse. L’Union Européenne semble se rendre compte que le travail est en pleine révolution, mais comme à son habitude, elle s’enferme dans l’archaïsme, et semble prendre des mauvaises décisions…
Cinq conditions pour être indépendant…
Revenons à ce fameux projet de loi…
Afin de mieux encadrer les faux indépendants et les faire revenir donc dans le droit chemin, l’UE propose de poser sur la table cinq critères pour définir ce qu’est un emploi indépendant. Ces critères sont tels qu’une plateforme ne peut pas fixer les niveaux de rémunération. Elle ne peut pas superviser à distance les prestations. Elle ne peut pas non plus se permettre d’interdire à ses prestataires de services de choisir leurs horaires ou de refuser des missions. Enfin, une plateforme ne peut pas imposer le port d’un uniforme ou interdire de travailler pour d’autres entreprises. Bref, c’est réellement au Business Model des plateformes que l’on s’attaque…
Néanmoins, en ce qui concerne le port de l’uniforme, l’interdiction de travailler pour une autre entreprise, d’interdire de refuser des prestations ou de refuser des missions, il est très clairement facile pour les plateformes de se mettre au vert. Quant au prix des rémunérations, il semble que le paris soit risqué, tant pour la plateforme, que pour le prestataire de services, voire même pour le client final. Un tel système ne pourrait aboutir en effet qu’à une place de marché des prestations. Donc en gros, une guerre des prix entre les chauffeurs ou les livreurs. Mais si c’est véritablement cela que les pouvoirs publics européens veulent, manifestement c’est cela qu’ils auront, car dans le cas de la livraison, ni Uber, ni les producteurs (ou autres restaurateurs) ne changeront leurs tarifs. Qui va donc devoir faire des efforts pour être le plus compétitif possible ?
D’autre part, dans le cas d’un service de VTC, Uber ne changera pas non plus sa commission sur la transaction. Donc soit le chauffeur sera confronté à la même problématique que le livreur – à savoir être le plus compétitif possible – soit il va faire la pluie et le beau temps en termes de tarification. En d’autres termes, tout va se jouer au lance pierre…
Qui à votre avis va encore devoir payer le prix ?