Uber n’est pas le bienvenu partout sur la planète, même si l’entreprise apporte une réelle plus value en termes d’expérience client. C’est logique après tout puisqu’elle fait de l’ombre à une industrie fortement encadrée par les Etats (et aussi parce qu’il s’agit d’un secteur hautement monopolistique). Depuis sa naissance en 2009, Uber a passé des moments très difficiles, avec les nombreuses administrations qui se sont attaquées à elle, voire même parfois jusqu’à déclarer son interdiction dans certaines zones. Et c’est sans compter les coups durs successifs encaissés pendant les confinements de 2020 et de 2021. Uber s’est donc rendu compte qu’elle avait des failles et il était donc grand temps de s’attaquer à celles-ci.
Aujourd’hui, c’est fait, voir même très bien fait…
Et sans baisser les bras…
C’est clair, Uber est une entreprise qui a un très fort potentiel, mais qui néanmoins est fragilisée sur au moins deux fronts : le premier c’est la concurrence qu’elle mène contre le business du taxi, qui est lui-même soutenu par les pouvoirs publics. Le second réside dans la nécessité d’une proximité physique avec les utilisateurs des services que l’entreprise propose. Il semble pourtant qu’elle soit arrivée à renverser ces faiblesses et à les transformer en points de force avec Uber Direct. En gros, le système consiste à offrir un service de livraison ultra rapide, aux commerces qui ont pignon sur rue (en 30 minutes, en H plus 2 ou en J plus 1). C’est extrêmement judicieux de la part de Uber, car d’une part il donne une arme de plus à ses chauffeurs. D’autre part, il entre sur un marché sur lequel il n’est pas affaibli par ses ennemis traditionnels, mais de plus il donne un outil performant qui peut faire évoluer les petits chouchous des services publics, à savoir… les commerçants. C’est simple, net et très efficace, d’autant plus que le chauffeur peut aussi multiplier ses livraisons tout en réduisant ses déplacements. C’est aussi une manière de fidéliser ces derniers et d’attirer plus de main d’œuvre.
Vive les artisans…
Il est clair que pour les commerçants et surtout les plus petits d’entre eux, il s’agit aussi d’une opportunité d’augmenter leurs ventes sans nouveaux investissements et même de réinventer un modèle économique. L’approche initiale qui lie le commerçant au client va obligatoirement devoir être un peu revue et devoir passer impérativement par un bon coup de communication. Et ici c’est aussi les groupes locaux comme on peut en trouver sur Facebook qui entrent en jeu.
Mais Uber va encore plus loin et vient de lancer Uber Connect, un service de livraison de colis entre particuliers, poussant la machine qu’elle expérimente déjà depuis longtemps avec Uber Eats et l’étend à tous les points de vente, tous secteurs confondus. Et on sait que le point de vente, cela peut-être aussi une habitation privée. L’approche est révolutionnaire car si un particulier veut envoyer un colis, de manière générale, il doit passer par les lourdes machines administratives que sont les services de La Poste, de DHL, de Fedex ou autres UPS et on sait que cela représente un coût. Avec son service Uber Connect, un particulier peut vendre à peu près tout ce qu’il veut vendre ou donner (n’oublions pas que le don se répand de plus en plus) et garantir au destinataire une livraison rapide, voire même très rapide, pour un coût très largement réduit.
L’autre gagnant dans l’histoire, c’est bien entendu l’artisan qui va lui aussi pouvoir compter sur des livraisons rapides en se reposant finalement sur une solide logistique qu’il ne peut lui-même pas assumer, tant sur l’aspect financier que sur l’aspect temporel…
Une machine globale et complexe…
Si les autorités ne s’en prennent pas encore à Uber pour ce service – rappelons à ce propos que l’Union Européenne est en ce moment en train d’étudier une nouvelle législation qui obligerait l’entreprise à salarier les chauffeurs et les livreurs – tout le monde va pouvoir y gagner quelque chose. Les commerçants de toutes tailles, avec ou sans pignon sur rue, les entreprises, les particuliers et les artisans (sans compter les personnes qui réalisent les livraisons. Que l’on soit client ou vendeur, ces services sont intéressants.
Mais on ne doit pas non plus s’attendre à ce que cela ne fasse que des gens joyeux, car c’est toute l’industrie de la livraison de colis qui est en train de se faire disrupter. Il y a bien entendu les grandes enseignes qui pèsent un solide poids et qui pourraient elles aussi faire pression sur les administrations, comme les taxis l’ont fait pour le service VTC d’Uber. Si La Poste se fragilise encore un peu plus, on doit inévitablement s’y attendre. Une Poste qui travaille aussi avec Amazon, l’autre poids lourd du secteur, qui ne va pas forcément voir ce nouveau service comme une bonne chose. Uber Direct offre une logistique à ceux qui ne passaient pas encore par Amazon pour vendre leurs produits. Cela risque de représenter un manque à gagner peut-être non négligeable pour ce dernier, surtout que les livreurs d’Uber possèdent une force de frappe instantanée, à cause de leur proximité et leur souplesse.
Quoiqu’il en soit Uber déploie une formidable machine et on a du mal à voir aujourd’hui, l’ampleur qu’elle va représenter dans l’avenir. Au-delà de ses services aux particuliers, Uber développe aussi une offre spécifique pour les entreprises, dispose d’un service pour les chauffeurs poids lourds (Uber Freight) et explore en ce moment l’espace aérien avec un service utilisant des hélicoptères. C’est très large comme éventail et cela va certainement nous révéler quelque chose d’intéressant dans le futur.
Le tout est maintenant de savoir quoi ?
Ce qui pourrait néanmoins nous aider à y voir plus clair serait peut-être de voir ces services, non pas comme des éléments disparates, mais plutôt de les traduire dans une stratégie globale. Nous savons que la raison d’être d’Uber, c’est le transport. Toute la finesse de son système veut qu’elle échappe à des investissements colossaux comme c’est le cas pour le modèle d’Amazon. Mais on sait aussi que son business repose beaucoup sur des technologies numériques de pointe, donc aussi sur la collecte et le traitement des données. Nous pourrions bien de ce fait assister dans les prochaines années, à un retournement de situation comme celui de Tesla qui se lance dans la production massive de robots bipèdes en utilisant les technologies développées dans ses voitures…