« Femme caressant un perroquet » (1827), Eugène Delacroix (2).

L’Orient est une source d’inspiration féconde pour Eugène Delacroix, tout comme pour beaucoup d’artistes européens de son temps. L’intérêt pour l’Orient est tellement marqué dans les esprits qu’il génère à partir du XVIII° siècle un engouement véritable qui s’officialisera au début du XIX°siècle en un mouvement artistique : l’Orientalisme.

Quoi de plus étonnant à l’heure où les nations occidentales commencent à se partager l’Afrique le Moyen-Orient et l’Asie ?

Il ne faut guère s’étonner de l’engouement que suggère l’Orient alors que son homologue occidental est soumis au règne de la vapeur, à la grisaille et au métropoles surpeuplées (et surtout aux multiples vices qu’elles génèrent). Les phantasmes sont nombreux : le soleil tellement réparateur des séquelles laissées par le dur climat européen, les conquêtes, les plaisirs faciles accordées par ces nations soumises, l’espoir de faire fortune facilement sont les reflets d’un rêve qui dure déjà depuis quelques décennies et il en faudra encore de nombreuses avant que celui-ci ne s’atténue vers la fin des années 1960.

En 1827 Eugène Delacroix n’a pas encore effectué de voyage dans ces régions du monde. Nombre des œuvres qu’il réalise à cette époque y font néanmoins référence. Pour pallier à cette lacune due au manque de voyage, il s’inspire notamment de la poésie de George Gordon Byron (dont l’œuvre complète est disponible librement sur Wikisource), mais aussi dans de nombreux tableaux d’artistes français, flamands, hollandais ou chez les maîtres italiens de la renaissance tels que Michel-Ange ou Raphaël.

Bien que Delacroix expose un nombre important de tableaux cette année là (12), Femme caressant un perroquet n’est pas exposé au salon de 1827-28…

Sortons maintenant du contexte historique et plongeons nous dans les détails de l’œuvre :

Dans cette huile sur toile de 24,5 sur 32,5 cm (donc un très petit format), qui dégage une atmosphère intime – dans laquelle deux éléments vivants sont les seuls sans aucune autre présence – une jeune femme dénudée est affalée sur un amas de coussins et d’étoffes épaisses. Son corps allongé en diagonale, à moitié assis, à moitié couché est centré dans la composition et en occupe la majeure partie. Les étoffes occupent elles-aussi une grande partie de l’espace du tableau. Dans la prolongation de son regard et à proximité de son bras gauche, un perroquet semble avoir trouvé refuge auprès d’elle.

Les traits de pinceau sont visibles et les marques de peinture sont très nettes, alors que le thème lui même aurait du inciter l’artiste à utiliser des traits plus doux et moins brutaux. Ce qui démontre une volonté, bien avant l’heure de vouloir faire bouger les normes académiques (mais s’il n’expose pas ce tableau au salon de 1827, c’est peut-être parce qu’il est aussi conscient que le côté révolutionnaire de son œuvre pourrait lui porter préjudice auprès d’une très sévère critique). Malgré ce contraste la composition dégage une atmosphère intime dans laquelle ces deux éléments vivants sont les seuls sans aucune prise et sans aucune autre présence…

On peut noter d’autre part qu’il existe un contraste très marquée entre la beauté humaine représentée par cette odalisque et la présence animale du perroquet dans un endroit clos. Contraste prisé par les artistes romantiques qui aiment les parallèles entre les contraires. Le perroquet est néanmoins un animal sauvage en captivité, dompté, soumis et apprivoisé au même titre, peut-être que cette femme allongée et disponible en permanence au regard du spectateur.

Il semble que le contexte dans lequel cette jeune femme se trouve et la position dans laquelle elle sied avec un animal sauvage à son côté présente une légère différence subtile faisant d’elle un instrument érotique et non un nu artistique. Certains éléments particuliers dénotent dans la composition. Outre sa coiffe et ses bijoux, on peut aussi remarquer le regard du perroquet fortement orienté vers la droite de la composition comme si il s’y passait quelque chose d’intriguant.

Notons aussi que la manière dont il est peint évoque celle d’un animal qui se réfugie quelque part parce qu’il craint quelque chose.

L’œuvre aurait-elle donc été conçue pour satisfaire les fantasmes de son propriétaire et destinée à être exposé dans un contexte privé, tel une chambre à coucher ?

C’est une question intéressante à se poser…

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