Allan K !

Deux janvier…

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle année, mais surtout d’une nouvelle décennie… 

Je me présente, je suis Allan…

Mes amis et mes proches m’appellent Allan K

Chez-moi, on m’avait surnommé comme cela parce que les seuls jouets que je voulais quand j’étais tout petit, c’étaient des claviers d’ordinateurs. Il paraît que mes parents ont été inspirés pour mon prénom par Alan Turing et par Allan Key. Deux des pères fondateurs de l’informatique moderne. Le K vient en fait de K-board, donc en réalité, mes amis considèrent que je ne peux pas vraiment me passer d’un clavier d’ordinateur pour être heureux. 

Honnêtement, je dois vous avouer qu’avec la dispute que je viens de vivre avec cette fille que j’aurais pu appeler ma petite amie, il y a encore moins de trois jours de cela, je pense que je suis bien plus heureux devant ce clavier d’ordinateur sur lequel je suis en train de vous parler, que si j’étais à côté d’elle en ce moment. Et je peux vous dire aussi que des arguments pour me plaire elle n’est pas prête d’en manquer. Elle est belle et quand elle vous sourit, vous avez juste l’impression que la terre s’effondre sous vos pieds. Ses longs cheveux bruns sont un parcours de découvertes, qui sans cesse vous force à remettre la beauté en question. Elle est en réalité la beauté incarnée. Elle est fantastique et un simple sourire de sa part est capable de faire s’effondrer toutes les croyances du monde (et de provoquer pas mal de choses en moi)…

Mais pourquoi donc cet être fantastique est-elle tellement exécrable ? 

Pourquoi ces moments de passions intenses que nous avons tous les deux doivent-ils se transformer en moments de tensions ?

Comme je viens de vous le dire, on m’appelle Allan K

Je suis ingénieur en informatique, et de fait, je préfère la compagnie de robots avec lesquels je ne me dispute jamais. Je bosse pour une des plus grosses entreprises au monde. C’est plus de 50.000 milliards de dollars de capitalisation boursière. 

Pour vous faire une idée de ce que cela représente, il y a moins de 10 ans d’ici , les entreprises qui atteignaient les plus grosses capitalisations n’excèdent pas les 3.000 milliards de dollars et c’était déjà pas mal. Quant au PIB mondial, il n’atteignait pas encore les 100.000 milliards de dollars. Mais ça c’était avant la révolution des IA génératives qui ont augmenté les gains de productivité de manière considérable ! 

Il n’aura pas fallu 10 ans avant que les Big Ten crèvent le plafond et renversent tout ce qu’il était possible de renverser sur la terre. Microsoft a bondi en à peine vingt ans, d’un chiffre d’affaires net de 5 milliards de dollars à 73 milliards en 2022. Et vous, savez-quoi ? Et bien finalement nos parents avaient une frousse bleue de ces grosses boites, mais rien n’a véritablement changé dans nos vies. Dans les leurs, oui certainement, mais dans les nôtres rien du tout ! 

Leur cher vingtième siècle avait disparu et beaucoup d’entre eux n’y trouvaient pas vraiment leurs comptes, mais en ne sachant pas trop que penser de tout cela, les choses sont plutôt très bien comme cela… 

Que pourrions nous vraiment envier à nos parents ?

D’ici une dizaine d’années, le réchauffement climatique, on n’en parlera plus puisque nous y avons tous mis du nôtre, sans vraiment pouvoir compter sur les autorités, plus souvent à la botte des lobbies du pétrole et consorts, qu’autre choses, il faut bien l’avouer. Les tensions internationales se sont progressivement effacées puisque désormais – et logiquement – tout le monde semble se concentrer sur une conquête de l’espace qui monopolise 10% de la population active dans le monde. Bref, beaucoup d’entre-nous bossent pour que les quelques dizaines d’individus qui sont déployés sur la Lune, ou en orbite et qui vont bientôt poser les pieds sur la planète rouge. Les crises qu’ont créées nos ancêtres sont derrière-nous et c’est très bien comme cela. La prospérité frappe à la porte, et les problèmes auxquels ont dû faire face nos ancêtres – en gros – on se torche avec… 

Il faut beaucoup d’efforts, mais le jeu en vaut la chandelle. La Lune ne nous donnera pas vraiment grand chose à l’échelle de l’Univers, mais les exploitations minières sur place, les laboratoires de recherche et le tourisme qu’elle accueille déjà, même si nous n’en sommes qu’au début on déjà rapporté plusieurs centaines de milliards sur ce nouveau marché et nous sommes désormais cinq grandes nations à concentrer tous nos efforts pour pouvoir aller sur Mars. Les collaborations internationales sont – il faut bien l’avouer – peu nombreuses et chacun œuvre dans son coin. C’est une erreur magistrale, c’est vrai, mais que voulez-vous ? 

La nature humaine est ainsi faite et on peut espérer qu’un jour, les choses changent pour aller vers quelque chose de mieux, mais en attendant nous devons faire avec, car nous n’avons pas vraiment le choix.

Je suis Allan-K, je n’ai pas encore tout à fait 26 ans, je suis ingénieur en informatique et je participe chaque jour à l’élaboration d’un monde meilleur. Je bosse pour la plus fantastique des boîtes au monde et cette dernière me permet de voyager un peu partout tout en me permettant de gagner pas mal d’argent. C’est un privilège que nos parents n’ont pas pu avoir, mais pour lequel nous leur devons toute notre reconnaissance. Et tout cela commence, il y a une dizaine d’années d’ici avec la plus étrange des aventures que nous ayons vécu au XXI°siècle… 

Oui vous les plus jeunes n’avez probablement pas connu cela, mais nous avons en notre temps connu de nombreux confinements et de nombreux couvre-feux. Nous avons aussi réalisé que la guerre froide ne s’était éteinte que pour une trentaine d’années et qu’elle s’était réveillée à nouveau au début de la décennie avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela a forgé nos existences et contribué à faire de nous la génération que nous sommes, ceux que l’on a surnommé les Z et ce n’est pas très flatteur quand on voit ce qui était affiché sur les chars russes à l’époque, mais que voulez-vous, nous n’avons pas décidé de celà…

Deux janvier 2029, Tulum, Mexique…

Nous nous sommes rencontrés il y a dix jours…

Elle aussi est ingénieur et elle fait partie de cette petite bande de privilégiés qui peuvent se permettre de voyager aux frais de la princesse, partout dans le monde, tout en empochant des salaires complètement mirobolants. Au delà de nos gracieux 400.000 dollars par ans, nos bonus peuvent atteindre les 100 millions si nous voulons bien nous montrer ultra créatifs. 

Coup de bol pour moi, je suis une machine créative. Manque de bol, je n’ai pas encore eu le ticket gagnant, mais tout laisse croire que j’ai ma place dans ce monde et que je finirai bien par gagner le gros lot. Bref, la vie sourit aux uns et nous sépare malheureusement des autres qui ne se retrouvent plus vraiment dans le monde que nous sommes en train de construire …

J’ai commencé mon long voyage, il y a environ un ans. A l’époque, comme à peu près 80% de la population de mon âge​, en sortant de la fac et en décrochant mon premier emploi, il était clair que je devais me lancer dans cette aventure extraordinaire. Les loyers étant trop chers, les crédits immobiliers hors d’accès, les technologies nous éloignant de plus en plus les uns des autres et surtout le fait que je n’en pouvais plus de rester chez mes parents, au risque de me faire passer pour un tanguy, ont fait que ce grand voyage était la seule et unique possibilité pour commencer une longue vie. Vivre 170 ans, c’est à peu près ce que l’on me promet et c’est beaucoup d’années. Mes parents n’auraient jamais pu imaginer vivre ça. Et ne parlons même pas de mes grands-parents… Je ne sais pas où ce voyage va me mener mais ce que je sais, c’est qu’il me rend heureux. Je rencontre les plus jolies filles de la terre et elles viennent de partout dans le monde. J’ai eu la chance de rencontrer des gens de tous les âges qui sont devenus des amis et qui ne me quitteront probablement jamais grâce à nos chers réseaux sociaux en ligne. Bref, ce long voyage que nous nous sentons obligés de faire, parce nous n’en avons pas véritablement le choix est en fait une véritable bénédiction.

Pas plus tard qu’hier, j’ai rencontré un couple de retraités qui avait lui aussi envie de tenter l’aventure. Cela faisait environ cinq ans qu’ils avaient entamé le leur, mais ils en avaient aussi les moyens. Ils étaient heureux, voyageaient à la fois dans des mobiles homes hyper sophistiqués et des logements loués sur Airbnb. Ce gars avait été un des bonzes du département du fisc pendant pas mal d’années et avait de ce fait pu accumuler pas mal d’argent sur des comptes pas très légaux. Il m’a confié à peu près toute sa vie après les quelques verres de vin que nous avons vidés ensemble. Cela n’a bien entendu rien arrangé dans nos rapport avec ma merveilleuse ingénieure. J’ai d’ailleurs eu droit à une scène que seuls les vieux mariés peuvent se permettre quand je suis rentré complètement bourré dans le Airbnb que je louais et qu’elle squattait par facilité. Entendons bien qu’il s’agit ici d’une relation sexuelle… purement et simplement. Ce type d’expérience, nos anciens étaient prêts à les multiplier tout au long de leur vie, mais par contre aujourd’hui c’est complètement inimaginable. Quand quelqu’un vous énerve, vous l’envoyez balader et cela vaut pour les hommes, comme pour les femmes.


Bref, je me suis pris dans la figure tout ce que je pouvais me prendre comme objets et après quelques pansements, nous nous sommes dit poliment que ce n’était pas la peine d’aller plus loin et que nous devions faire beaucoup mieux, loin l’un de l’autre…

Mais voilà, Tulum m’attendait et ce n’est pas les filles qui manquent là bas. Bien au contraire et le problème, c’est que les choses ne sont pas si simples que ça…

Le 02 janvier, je me réveille donc à Tulum, avec une solide gueule de bois et je savoure cette liberté que j’avais abandonnée quelques jours plus tôt. Il y a des inconvénients bien entendu, mais qu’est ce que ça fait du bien de ne pas se faire taper dessus pendant la nuit parce que l’on ronfle quand on vient de se bourrer la tronche. Il y aussi de nombreux avantages à ne pas avoir à se rendre au travail, chaque matin comme mes parents le faisaient avant leur retraite. La douche, le brossage de dents et le rasage, on verra ça plus tard, on sort du lit, on avale un café et un croissant tout frais livré quelques minutes auparavant et c’est parti. On enfile son casque et on se retrouve directement plongé dans son labo virtuel pour bosser avec ses collègues qui sont eux aussi éparpillés un peu partout dans le monde. C’est simple, net et extrêmement précis​…

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