Et si nous vivions dans un parc d’attractions ?

Si vous êtes familier ​avec le phénomène des Gated Communities, vous n’êtes probablement pas sans savoir ​que cette privatisation des espaces urbains ne cesse de croître depuis plus de 60 ans. Sans surprises, c’est bien entendu tout d’abord aux Etats-unis que cette expansion est la plus marquante, puis dans les pays anglo-saxons d’une manière générale, mais aussi dans les pays dans lesquels les autorités locales ont de plus en plus de mal à garantir la sécurité des individus. Logiquement, puisque qui dit communauté fermée, dit aussi sécurité privée.

Si vous avez déjà été dans un Club Med, vous savez à peu près ce qu’est une Gated Community. A la différence prêt​ que vous n’y êtes que pour quelques jours et non de façon permanente. Sauf que dans le futur, la donne risque de changer très sérieusement…​ 

Vivre dans un parc d’attractions, ça vous intéresse ?

Quel est le point commun entre un site d’habitation fermé (gated community), un Resort gigantesque sur le bord d’une plage et un parc d’attraction ?

The Walt Disney Company !

Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que nous allons tous les jours de surprises en surprises : parfois pour le pire, mais il faut bien avouer aussi que souvent, c’est pour le meilleur. Vivre dans un parc d’attractions – forcément fermé – c’est la nouvelle idée que veut développer le géant du divertissement américain, Disney… Dans les grandes lignes, l’entreprise voudrait développer des quartiers entiers (le premier projet en cours s’appelle Cotino, se situera dans la ville de Rancho Mirage en Californie et occuperait une surface pour 1900 maisons) dans lesquels les gens pourraient louer ou acheter des maisons et y vivre, tout en ayant l’impression de vivre à Disneyland. Évidemment, la gestion de ces quartiers serait d’ordre privé et les rapports entre les gestionnaires et les habitants seraient avant tout d’ordres marchands. Bref, nous assistons à un mélange entre l’habitation traditionnelle, la suite qu’on peut louer dans un Resort luxueux, ainsi que le parc qui vous propose des dizaines de possibilités de restauration, de shopping ou d’activités de détente.

Vous l’aurez compris, le sujet est complexe et suscite de nombreuses interrogations…

Tout d’abord, on peut s’interroger sur l’état mental qu’une immersion totale et permanente dans un monde similaire à celui des bisounours, pourrait provoquer psychologiquement chez un individu. Il est clair que le décalage avec la réalité serait énorme voir même complètement destructeur.  Ensuite, quel serait le coût pour vivre dans ce type de communauté ? On peut s’en douter, les prix y seraient probablement surfaits, et beaucoup se sentiraient forcément obligés de sortir de celle-ci pour pouvoir faire respirer un peu plus leurs portefeuilles. Enfin, quels seraient les engagements que les résidents de ce paradis sur terre seraient contraints de remplir ?

Une idée pour le moins intéressante…

Les questions ne manquent pas, mais néanmoins l’idée – d’un pint de vue créatif, du moins – est intéressante…

Tout d’abord, Disney sort de son petit univers et élargit les possibilités pour le futur. Créer des espaces de vie qui offrent le luxe des grosses infrastructures touristiques pourrait très largement contribuer au bonheur des individus. Les plus fortunés c’est vrai, mais rien ne nous dit que des versions financièrement plus démocratiques ne verraient pas le jour sur le même modèle. La question de l’emploi se pose ensuite, car plus vous avez envie de vivre dans un monde idyllique, plus les besoins en main d’œuvre de maintenance sont importants. Et plus ces besoins sont importants, moins les chômeurs sont nombreux​. D’autre part, on sait que Disney se profile comme une entreprise technologique de premier ordre (notamment dans la robotique), alors que nombre d’entreprises tout aussi avancées technologiquement (voir même plus) se dirigent elles aussi​ dans des projets urbanistiques similaires, en offrant elles aussi une expérience client différente. C’est d’ailleurs le cas de Tesla, de Toyota ou encore de Google. Cela veut dire que plus que jamais, nous sommes entrés dans un monde – n’en déplaise à certains qui n’y verront pas du tout leur intérêt – qui s’apprête aussi à réduire considérablement l’importance des pouvoirs publics dans la gestion des activités humaines au sein de différentes localités.

Maintenant il reste à savoir si le modèle économique que va développer Disney, sera exactement le même que celui qu’il mène dans ses parcs d’attractions (celui de Picsou), depuis un peu moins de 100 ans. Si c’est le cas, ce dernier risque vite de devenir étouffant pour les habitants et les propriétaires qui s’y trouvent. On risque par ailleurs d’y voir un turn-over important, et les rares personnes qui tiendront vraiment à ce système n’auront probablement d’autres choix que d’aller vivre dans des endroits où l’ardoise est moins lourde à supporter et de se contenter d’offrir une expérience client exceptionnelle à une clientèle de passage comme celle d’AirBnB. 

Une des premières étapes pour un long voyage…

Il faut bien l’avouer, la réalité économique liée aux communautés fermées est loin d’être brillante et souvent les expériences communautaires en tous genres ont tourné au fiasco. Mais, c’est un phénomène récurrent qui persiste avec le temps et qui démontre néanmoins une volonté toujours permanente de l’individu de recréer un monde, là même où le pouvoir public ne réussit pas. Pouvoir travailler à distance et aller de communauté en communauté, un peu partout dans le monde en ayant la chance de vivre une expérience toute particulière, semble être devenu un crédo que beaucoup aimeraient vivre (la fréquentation des Resorts de part le monde, en témoigne).

Posons-nous la questions suivante :

Et si une partie de notre vie, dans les 20 prochaines années, était consacrée au nomadisme et qu’une étape intermédiaire était quant-à elle consacrée à la sédentarité, voir à une sédentarité poussée à l’extrême puisque l’on ne sortirait plus vraiment de l’habitat qui nous entoure ?

Demain, vous pourrez peut-être donc passer d’un complexe Disney à un complexe Apple (sans toutefois ne pas oublier de penser à un détour par un complexe Tesla), et cela pendant plusieurs années. Puis investir l’argent que vous avez gagné dans un logement similaire. Ensuite, après de longues années de sédentarité – car vous aurez probablement vu l’univers entier au travers de la réalité augmentée, mais vous n’aurez probablement pas vu grand chose d’autre que ce qui définit les barrières de votre communauté – vous aurez probablement envie de reprendre la route et ce sera au tour d’un petit jeune de louer votre maison sur Airbnb.

Étrange, oui peut-être, mais pas de panique néanmoins puisque cela se fera dans le temps et il ne s’agit en aucun cas d’une rupture brutale avec notre manière de vivre actuelle. Beaucoup de choses nous montrent que ce type de vie sera une généralité dans le futur, mais rien ne nous dit que nous serons obligés de le suivre de cette manière précise et nous ne pouvons que nous en réjouir. N’oublions pas que les généralités créent elles aussi, des exceptions !

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