En 2009, alors que le système bancaire s’est effondré, des secteurs qui avaient auparavant révolutionné l’économie disparaissent. Le secteur financier, lui-même, a entraîné aussi dans sa chute le secteur automobile (bien entendu lié au marché du pétrole), qui profitait de la crise pour entraîner une hausse vertigineuse du prix du baril et s’en prenait, tout comme le monde de la finance l’avait fait un peu auparavant, une nouvelle fois aux revenus des populations. Dans un premier temps, ce sont les ventes de véhicules avec des grosses cylindrées qui se sont effondrées. Cette leçon a très vite poussé les constructeurs automobiles à améliorer les performances énergétiques de leurs véhicules et à se recentrer sur la production de véhicules moins consommateurs d’hydrocarbures. Ce qui voulait dire forcément une diminution inévitable de la consommation de pétrole. Si l’on regarde le développement conséquent du marché de l’automobile électrique et hybride qui a suivi, on peut même dire sans prendre de risques, que la disparition programmée du modèle automobile qui régnait en maître depuis le début du XX°siècle s’était engagée. Paradoxe remarquable lorsque l’on sait que l’industrie pétrolière était la première bénéficiaire de l’industrie automobile. C’est un constat plutôt intéressant, car les conséquences de la crise ont logiquement poussé les banques, en pleine restructuration, à resserrer les conditions d’octroi des crédits. Comme il se doit, d’autres acteurs sont arrivés sur le marché pour pallier à ce problème et la création de banques sur Internet comme Zopa, Lending Club ou Prosper – qui sans devoir investir dans de lourdes infrastructures physiques – ont poussé comme des champignons. Ces dernières profitant de la situation pour proposer des crédits à des taux beaucoup plus intéressants que ceux pratiqués par leurs homologues10. Tempête sur la finance : le secteur a été, dans les années qui ont suivi la crise, restructuré avec une forte augmentation de l’automatisation des opérations et des conseils aux clients, ainsi qu’avec le licenciement de 600.000 employés de part le monde entre 2008 et 201511.
Coup du sort, malédiction, ou retour de boomerang ?
La concurrence peut-être, pour la première fois de l’histoire, venait enfin botter les fesses de ce personnage très particulier qu’était le banquier. Mais en plus de cette toute jeune concurrence très agile, de la conjoncture économique extrêmement délicate, ainsi que la méfiance des clients, voilà que les particuliers eux-mêmes commencent à se prendre pour des banquiers. Kickstarters, née en 2009, s’engage dans une rupture complète avec le financement bancaire traditionnel en mettant en relation directement les demandeurs de fonds et les petits prêteurs. Et cela entraîne cette fois, une ouverture à une nouvelle concurrence qui l’attaque sur un secteur dont il avait auparavant le monopole. Un nouveau coup de pied au derrière après celui donné par Paypal. Le financement participatif (crowdfunding) prenait en même temps une dimension supplémentaire, qui allait bien au-delà du simple fait d’investir pour faire fructifier son argent. C’est aussi le fait de participer (sans prendre des risques importants) à des projets qui font changer les choses. Parallèlement, des micro-devises en ligne se sont déployées rapidement sur Internet. Le Worldwatch Institute en février 2018 en recensait plus de 4.000 de part le monde12. Le succès du Bitcoin, le développement du secteur de la Blockchain, l’annonce d’une monnaie numérique chinoise, européenne et de celle de Facebook, (feu) Diem qui devait apparemment devenir l’unique monnaie numérique américaine – en 2019 sont venus ajouter de nombreuses pierres à l’édifice. L’année 2021 a par ailleurs vu le Salvador accepter comme monnaie nationale le Bitcoin. Elon Musk s’est élevé lui-même comme l’étendard du dogecoin et du même bitcoin, en suggérant qu’il n’était pas du tout fermé à l’éventualité qu’une Tesla pourrait être payée avec une crypto monnaie, et la Chine à tout simplement interdit toutes transactions commerciales avec ces dernières (voir même tout minage sur son territoire). Nous le verrons par la suite, les dix prochaines années ne vont pas être faciles pour le secteur bancaire, car il est très probable que les brokers et traders de la décennie à venir se nomment Siri, M et Alexa. L’Intelligence Artificielle apportant toujours un peu plus de fil à retordre à des secteurs qui n’ont réalisé que trop tard, qu’il était grand temps de se remettre en question.
Après le pétrole et la banque, les institutions publiques…
Leboncoin.fr, emblématique succès du réseau d’échange, démontre au quotidien que les administrations sont aujourd’hui contournées par le grand public lui-même. Les français sont désormais plus nombreux à passer par le site pour trouver un emploi plutôt que de faire confiance à Pôle emploi. Malgré ses 1.500 informaticiens, les demandeurs d’emploi ne seraient plus que 17% à poster leur CV sur le site de l’agence publique13. C’est ici que s’illustre parfaitement l’effet 2008. En gros, vous ne pouvez rien faire pour moi, vous semblez inefficace, tant pis, je me tourne vers d’autres solutions,… Les solutions numériques sont de toute façon plus efficaces.
Le médiéviste Jacques Le Goff compare le statut du site Leboncoin.fr à ce qu’était la foire au moyen-âge. C’est-à-dire un lieu de rencontre pour les populations locales qui venaient s’approvisionner à peu près en tout, y compris en information car il n’existait pas ou peu de surfaces commerciales là où elles vivaient. « C’est un retour à une certaine homogénéité et à une chaleur d’échanges dans un périmètre limité, phénomène qui apparaît dès le temps médiéval »14. Un autre phénomène intéressant est qu’il coïncide avec la naissance des villes au XI° siècle, lorsque les populations s’émancipent des seigneurs féodaux pour se regrouper autour des églises et des cimetières15. Il aura donc fallu dix siècles pour que les populations s’émancipent de l’autorité publique et des systèmes politiques et commerciaux. Et tout cela avec deux instruments (l’outil informatique et Internet) initiés, et c’est là que cela devient amusant, par l’armée américaine et par des… hippies.
Leboncoin.fr, comme la plupart des plateformes d’échange sur internet, contourne l’autorité ou l’institution officielle pour réorganiser la structure sociale du groupe. Remarque importante cependant, Leboncoin.fr prend toute son ampleur dans la redistribution de quatre domaines économiques majeurs qui caractérisent la société de consommation : l’immobilier, l’échange de produits de consommation usagés, l’emploi, ainsi que les services. En d’autres termes dans la plupart des aspects monétaires qui concernent la vie d’un particulier, là où ce dernier peut trouver des interlocuteurs susceptibles de satisfaire ses besoins. Le site s’est imposé comme un lieu d’échange officiel, partagé tous les jours par des millions de français. Il est devenu en quelque sorte la véritable place publique de la France. Et ce qui est particulièrement étonnant par ailleurs est qu’il ne trouve pas vraiment son équivalent dans le monde. Peut-être, cela n’est-il pas étonnant, si l’on observe cette tendance toute particulière à la centralisation, si typique en France.
Dans le genre déconnexion…
Le fait que l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, alors qu’il tentait de reprendre sa place dans le paysage politique – dans la seconde moitié de la décennie 2010 – demande à un journaliste ce qu’est Leboncoin.fr, au moment même où vingt-cinq millions de français visitent le site tous les jours, témoigne de cette déconnexion des élites, incarnant décidément un XX°siècle totalement révolu. Autre exemple, toujours dans la campagne des primaires pour la présidentielle de 2017, Nicolas Sarkozy lors d’un discours sur l’agriculture démontre encore une fois ce décalage : “Nous n’allons quand même pas renoncer à notre puissance agricole pour permettre à une poignée de Bobos d’aller chercher leur panier bio à la ferme. Ensuite on caressait la casquette de l’agriculteur et on ferait une photo [du panier]”. Sur un seul discours, l’ancien président faisait deux erreurs fondamentales… D’une part, l’effet 2008 a contribué largement à généraliser la vague bio qui s’est étendue à une forte partie de la population. D’autre part, combien de centaines de millions de photos envoyons-nous tous les jours ?
Ironiser sur un comportement qui fait partie du quotidien de la majeure partie d’une population en âge de voter n’est pas, on doit l’admettre très subtil, même s’il s’agit de faire preuve de force dans son propre camp. Il semble que Nicolas Sarkozy, tout comme les dirigeants de Kodak aient souffert de cette pathologie chronique du XX°siècle qui n’est autre que… la déconnexion. Le véritable problème, c’est qu’ils vivaient dans une époque qu’ils ne comprenaient plus vraiment.
Le réseau social en ligne a non seulement modifié notre manière de communiquer au quotidien, mais il a joué aussi un rôle important dans l’accélération de l’information. Un pouvoir qui était auparavant exclusivement détenu par les médias. Par exemple, lors des Printemps arabes (2011), en contournant la censure, il a permis le contact entre chaque personne – pourtant éloignées – et consolidé une conscience commune qui allait à l’encontre des intérêts des autorités. Est-il nécessaire de rappeler que ce qui a fait basculer le régime égyptien, à l’époque, était la coupure généralisée d’Internet dans tout le pays ? Les autorités s’étaient rendues compte de l’influence fondamentale que ce dernier jouait contre elles, mais n’avaient pas envisagé l’importance que la disparition qu’il représenterait dans la vie des gens puisse leur être fatale. Les autorités sont donc prévenues : la population ne se passera plus d’Internet et Internet et ses acteurs majeurs – certainement plus nombreux que les différents gouvernements des pays – sont les futurs maîtres du monde. Il serait donc intéressant pour certains dirigeants qui n’hésitent pas à clamer haut et fort que s’ils en avaient la possibilité, il feraient tout simplement fermer un réseau social comme Twitter (ou de rêver d’une société sans e-commerce), de se connecter à cette réalité!
C’était bien ?
Bon…
Mais ce n’est pas tout, car une époque formidable c’est aussi un site Web et des centaines de réflexions qui traitent des problématiques de notre monde et c’est aussi…
Un bureau de rédaction, d’illustration et un service de sponsoring !
Ah oui, au fait, nous sommes aussi sur Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et nous avons aussi un groupe sur Facebook sur lequel nous pouvons discuter de toutes les problématiques qui se posent à nous, donc on vous y attend car nous avons besoin de vous !