Et si on se laissait un peu aller aujourd’hui ?
Le fantasme du revenu universel n’est pas nouveau et il est clair que le sujet va revenir sans cesse sur la table à chaque nouvelle révolution technologique. Il est inévitable que ces mutations mènent inévitablement à une destruction d’emplois massifs.
Ce fameux revenu est depuis la crise de 2008 un sujet qui revient régulièrement en question…
Et ça n’a pas raté, le sujet est revenu sur la table pendant le confinement lié au virus CORONA. Même si hier, Benoît Hamon candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2017 n’a pas réussi à convaincre la population française, si les suisses ont voté contre son application et que les finlandais qui étaient en train de tester son application sur 2000 personnes ont abandonné le projet, les licenciements de masse qui nous attendent dans le futur vont inévitablement remettre son existence en question pendant la prochaine décennie.
Quelques hypothèses…
Le concept de RU n’est pas forcément une formule unique que l’on applique unilatéralement. Il peut-être partiel, complet, c’est à dire basé sur le seuil de pauvreté, appliqué à la majorité de la population ou bien encore sélectif….
Commençons tout d’abord par la plus amusante des versions…
Celle dans laquelle le RU serait tout d’abord versé à des gens qui n’en ont pas besoin. À juste titre, on peut considérer avec humour le fait qu’Arnaud Lagardère reçoive chaque mois un chèque de 830 euros. Le coût du revenu universel pour la France par exemple selon sa nature, représente une somme allant de 300 à 600 milliards d’euros. Si l’on se base sur une allocation de 10.000 euros par an, on en arrive, en effet dans les grandes lignes à la somme de 660 milliards d’euros. Sa mise en place absorberait dans ce cas « la totalité des aides sociales existantes ». Et sur ce dernier point, ce serait une pilule qui ne serait pas facile à faire avaler aux syndicats. Si vous avez des doutes sur ce point, regardez les réactions lorsqu’une administration se lance dans une délicate réforme des retraites.
Notre premier problème réside, nous venons de le dire dans les syndicats. On peut s’en douter, ces derniers seraient certainement favorables au revenu universel et seraient même prêts à signer le contrat les yeux fermés (même si au final, ce serait leur fond de commerce qui serait miné).
Mais en revanche, le seraient-ils à l’abandon des aides sociales qualifiées d’acquises ?
Il est probable que non !
Or le problème est que le RU est incompatible avec le budget alloué aux aides sociales.
Et tout ceci est bien entendu sans compter le coût direct lié à l’armée de comptables et de fonctionnaires pour gérer l’administration qui devrait y être associée. Ce n’est pas très sain, surtout lorsque l’on se rend compte de l’impasse dans laquelle sont tous les pays qui ont misé sur la surabondance administrative et qui ne peuvent pas se défaire de ce système étouffant.
La proposition qui était explorée en 2017 par Benoît Hamon était forcément de chercher une compensation à la source même de la destruction de l’emploi. C’est-à-dire… la machine. Mais, toute nouvelle idée burlesque entraîne aussi un nouveau problème. Taxer la machine, c’est aussi taxer le logiciel informatique, puisque de toute façon les robots se retrouvent dans nombre de cas dématérialisés. C’est donc toute la population qui consomme du produit logiciel informatique qui serait pénalisée.
Essayons donc de lire entre les lignes :
Un État alloue donc une allocation universelle pour la reprendre en partie à ceux qui la reçoivent. Astucieux mais pas très novateur, il faut bien l’avouer. Ruiner une personne en lui promettant la survie n’est certainement pas une bonne affaire pour chacun et il semble que la répartition égale de la misère n’est pas un bon paris à faire.
Continuons…
Les autorités décident de taxer les entreprises car elles utilisent des robots…
Taxer les entreprises, c’est un problème de poids car la France n’est pas du tout en bonne position en termes d’unités de robots par employés. Elle arrive en 18ème position dans le classement mondial, (derrière la Slovaquie et la Slovénie), avec 132 unités pour 10.000 employés. L’Allemagne, moteur de l’économie européenne, démontre par ailleurs que la robotisation n’est pas si destructrice d’emploi, avec ses 309 unités pour 10,000 employés. Le robot, comme l’Allemagne le démontre, semble être davantage synonyme de productivité plutôt que le contraire. C’est par ailleurs aussi le cas du Japon qui avec l’Allemagne sont les deux pays les plus robotisés dans le monde.
Au risque de faire une erreur et à défaut de pouvoir faire une étude sophistiquée, nous pouvons faire un petit calcul très rapide – avertissement, ceci n’est jamais qu’une moyenne – je laisse le soin aux économistes de plonger dans les détails s’ils en ont envie :
La France en 2016 était forte de 235,000 entreprises industrielles et celles-ci représentaient 10% du PIB. Si l’on veut taxer la machine, cela revient donc à taxer les industries puisque c’est elles qui les utilisent au détriment de l’emploi. Comment répartir une masse financière aussi énorme que 660 milliards d’euros sur 235,000 entreprises ?
Cela reviendrait en moyenne à faire payer à chacune d’elles la somme absolument démentielle de 2,808,510,63 euros par an. Autant dire que ce serait suffisant pour faire fuir celles qui restent encore sur le territoire et étrangler fatalement les plus petites d’entre elles. On pourrait prolonger le fantasme jusqu’à élaborer un système complexe – comme nos administrations savent si bien le faire – en imposant un pourcentage du chiffre d’affaires en fonction de la taille des entreprises. Mais ce serait une mauvaise idée, car non la gestion et le contrôle de celui-ci exigerait des moyens financiers importants.
Y a t’il d’autres solutions ?
Oui ! Taxer l’ensemble des entreprises puisque ce sont elles qui devraient embaucher mais n’embauchent pas. Or, elles utilisent des ordinateurs qui eux-même abritent des milliers de robots dématérialisés. Il est donc logique que ce soient elles qui payent… Aussi farfelu que cela puisse paraître, ce raisonnement est malheureusement une réalité chez certains. Pas seulement chez de nombreux intellectuels et de politiciens, mais malheureusement beaucoup de gens y croient aveuglément sans mesurer l’impact des répercussions que cela pourrait créer.
Alors, petit calcul (toujours en France) : en 2016, le nombre d’entreprises dans le secteur marchand (non agricole) était d’un peu plus de 4,200,000. Donc cela reviendrait à faire payer un droit à la constitution d’une entreprise de…157,142 euros. C’est mieux que le cas de figure précédent mais dans ce cas, l’entreprise n’est pas du tout accessible à un petit entrepreneur.
Autre chose ?
Oui, et si on allait chercher ces sommes à la fois dans les entreprises et chez les riches ?
A vos risques et périls, mais faut-il rappeler les dégâts que cela a causés en France en 2012, 2013 et 2014 ?
Et maintenant, que fait-on ?
Ce petit exercice comptable amusant est basé sur une indemnité de 10.000 euros par an, accordée à chaque individu résidant sur le sol français pour tenter de démontrer la folie du projet que représente le RU. On pourrait se baser sur des chiffres revus à la baisse bien entendu, mais cela ne résoudrait en rien les défis que les mutations économiques et sociales auxquelles nous allons devoir faire face dans la prochaine décennie. Que peut-on faire aujourd’hui avec 500 euros par mois (probablement rien, sauf si la société du coût marginal zéro continue son évolution comme Rifkin l’à prévu) ?.
Et que se passe t’il dans le cas où les taxes sur le robot et la machine ne sont pas suffisantes pour financer ce revenu universel ?
Une petite idée…
Oui vous l’avez presque, dans la main d’œuvre exactement !
OK taxons la main d’œuvre !
La main d’œuvre représente une source de revenu aux mécanismes faciles à mettre en place puisque le système ronronne depuis plusieurs années avec la sécurité sociale. Taxe sur les machines, les logiciels, les robots, sur la force motrice, sur les entreprises ainsi que sur la main d’œuvre… Un cocktail qui pourrait peut-être fonctionner si l’allocation universelle n’était plus si universelle que cela. Mettons que cette allocation s’adresse à toute personne sans emploi. Mais au vu de ce qui nous attend dans les prochaines années, cela concernerait selon les prévisions (notamment celles de Carl Frederick Frey et de Michael.H Osborne) environ 50% de la population active.
Dans une perspective optimiste, la moitié de la population active aurait donc du travail. L’autre moitié n’en a pas (ou plus). Seuls ceux possédant de fortes compétences et qualifications étant aptes à en trouver (et nous sommes aujourd’hui très loin du compte). Il faut donc que la première partie assume pour la deuxième un revenu universel ainsi que la quasi-intégralité des soins de santé.
Bref les utiles d’un côté, les inutiles de l’autre… pas vraiment super l’avenir, vu sous cet angle !