Critique de la faculté de… critiquer !

“… Précarisation à outrance, appauvrissement généralisé, inégalités abyssales, hyper-enrichissement d’une poignée de dirigeants et cadres, et voilà le modèle dont la réussite est censée éblouir et inspirer la planète tout entière “, écrit avec réalisme le journaliste Fabien Benoit dans son essai The Valley. Ajoutons enfin que nous sommes tous des complices de la réussite du modèle. A chaque fois que nous cédons à la facilité du service, nous entretenons un système qui favorise la précarité” 

La société du sans contact, François Saltiel.

Nous sommes dimanche matin et je me dis que je vais encore traîner au lit pour lire quelques pages. Je reprends la lecture de mon livre et je découvre, les yeux bien ouverts, ce… massacre. J’en ai les doigts qui tremblent, mais je ne peux pas m’empêcher de repren​​dre mon clavier.

Un système politique qui a perverti une idée de génie…

J’ai pris autant de taxis que de services Uber dans ma vie. Il faut dire qu’avec une femme diplomate et qui plus est, ne tient pas du tout en place, c’est difficile de faire autrement. J’ai de plus cette incorrigible habitude d’entretenir des conversations avec mes chauffeurs occasionnels et de leur poser toutes sortes de questions sur leurs conditions de travail. C’est plus fort que moi, et après avoir passé neuf années à New York et dans sa périphérie, le constat que j’en fait est très clair : 

Je n’ai jamais rencontré de chauffeur Uber qui m’a fait part de sa prétendue précarité, de son appauvrissement généralité ou à l’enrichissement des cadres de l’entreprise qui travaillent au siège de San Francisco.​ En général, c’est plutôt avec une indifférence complète que les chauffeurs Uber considèrent cette activité professionnelle, qui pour beaucoup est une activité complémentaire d’un autre travail. Certains, ont des produits d’entretien dans le coffre de leur véhicule. Cela laisse supposer qu’après leur journée de travail, ils veulent arrondir leur fins de mois. D’autres sont étudiants et comme pour beaucoup d’étudiants, les finances se font rares et une activité complémentaire est la bienvenue. Certains sont sourds et muets. D’autres ne peuvent se déplacer qu’avec les béquilles que vous découvrez dans leur coffre en y mettant votre bagage. Certains sont des chauffeurs de taxis ou de services de limousine qui n’ont pas gagné assez d’argent dans la journée tandis que d’autres sont des conjoints de gens qui gagnent bien leur vie, mais désirent néanmoins avoir une activité professionnelle qu’ils peuvent combiner avec une vie de famille.  

Oui, mais ça c’est New York !

Effectivement, ça c’est New York  et ce qui fait le côté grandiose d’Uber, c’est non seulement une efficacité technique irréprochable, l’absence de mauvaise surprise par rapport au prix de la course, les informations dont vous disposez sur votre chauffeur et surtout une disponibilité immédiate. C’est un luxe qu’un chauffeur de taxi ne peut tout simplement pas vous offrir. 

Parlons un instant de précarité…

Pour ceux qui pratiquent une activité de chauffeur à temps plein, il faut supposer que ce n’est pas si abominable que cela au vu de ce que gagnent les chauffeurs : Selon Uber, un chauffeur connecté à la plateforme au moins 20 heures par semaines –  ce qui ne représente pas vraiment grand chose, sauf peut-être​ en France, qui on peut le dire à une fâcheuse tendance à ramener ​le nombre d’heures prestées par semaines vers le bas – gagne entre 25 et 30 dollars de l’heure, y compris en tenant compte des temps d’attente. Ce qui revient à 1.600 ou 2.400 dollars. Bon d’accord, pour un standard américain ou le salaire moyen avoisine 4.000 dollars par mois, ce n’est pas grand chose. Mais vous connaissez peut-être la fameuse phrase que Bill Gates disait à tous les gens qu’il embauchait ?

Si vous n’êtes pas prê​t à travailler 80 heures par semaine, à vous défoncer dans votre travail et à aimer ça, et bien c’est que vous êtes à la mauvaise adresse !”.  ​

Un discours, peut-être intenable​, pour l’auteur du livre dont je vous ai parlé plus haut, ou pour un français moyen – on comprend très bien de ce fait que la France reste à la traîne d’un point de vue économique –  mais certainement pas pour un chauffeur Uber américain. A partir de ce point de vue, le chiffre d’affaires d’un chauffeur peut-être raisonnable (tout dépend bien entendu de vos ambitions), même dans une ville​ aussi chère que New York. Surtout pour un investissement limité à une simple voiture. Même si l’on prend les chiffre​s de l’Economic Policy Institute qui ramène le revenu médian des chauffeurs Uber et Lyft, soit 9,21 $ (source Les Echos.fr, 2019) sur tout le territoire américain (attention le fin fond de l’Oklahoma, ce n’est pas San Francisco) – environ 2$ de plus que le salaire minimum national – si vous êtes travailleur, il n’y a aucune raison pour que vous deviez vivre dans la précarité. De plus l’effet COVID aidant, de nombreux chauffeurs avaient délaissé l’application à cause du manque de clients, mais surtout à cause des risques d’infections. Ce qui a créé une pénurie de main d’œuvre et poussé le siège de San Francisco à augmenter les rémunérations des chauffeurs. Rappelons qu’avec Uber les modifications des prix des courses se font en temps réel par des algorithmes.  

Petit rappel néanmoins, un chauffeur Uber est un entrepreneur et n’est, à ce titre, pas un salarié. Il lui appartient donc de multiplier ses activités, exactement comme le fait un entrepreneur pour gagner sa vie correctement. 

Depuis quand la liberté est-elle devenue un problème ?

Plus j’avance dans les pages de ce livre (pour rappel La société du sans contact, de François Saltiel), plus je m’étonne, mais aussi je m’interroge sur le bien fondé d’une pensée que je trouve complètement illogique…

Tout d’abord sur le fait que l’emploi à été capitalisé par les systèmes de sécurité sociale européens, il s’est aussi, de ce fait, raréfié. Beaucoup – en termes d’embauche – restent sur le carreau et n’ont donc pas la possibilité de s’épanouir professionnellement. Le plein emploi nous est donc refusé. La logique voudrait donc – et c’est d’ailleurs souvent le cas – que plus l’emploi est rare, plus les entrepreneurs sont nombreux. Et pour cause, rien ne résiste à l’ambition professionnelle. Oui mais voilà, créer une entreprise – tous ceux qui ont eu le courage de se lancer dans l’aventure savent que cela n’à rien d’évident (surtout en termes de formalités administratives) – requiert souvent d’énormes budgets (et de temps) pour se construire une clientèle. Hors ce que Uber offre, c’est tout simplement une facilité d’accès directe à cette même​ clientèle. En quoi est-ce donc un problème ?  

Le deuxième point sur lequel je m’interroge est cette détestable intrusion dans la liberté des autres. Depuis quand la liberté est-elle devenue un problème ? Si j’ai envie de m’improviser entrepreneur et de passer mon temps à véhiculer des personnes en échange d’une rémunération, pourquoi donc reprocher cette facilité d’accès à l’entreprise ? 

Une fois de plus, il semble que ce soit la politique (ou une certaine élite intellectuelle parisienne de gauche) qui a perverti une idée qui est grandiose à la base. Le fait que Travis Kalanick soit un sale type ou que l’administration de François Hollande ait interdit unilatéralement Uberpop, ne changent en rien l’efficacité d’un système que l’industrie des taxis (voir inévitablement les pouvoirs publics) n’a jamais réussi à réaliser.

A oui au fait, je vous ai parlé longuement des facilités américaines d’avoir accès à Uber… 

Je vous invite, maintenant à explorer les charmes de la complexité française et cela commence bien entendu par le fait de payer votre accès… 

Et oui sinon, ce ne serait pas amusant !

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