L’heure n’est plus à se demander si une machine pourra un jour écrire un livre ou créer une œuvre d’Art. C’est déjà fait et il y a de fortes chances que la situation évolue encore un peu plus dans ce sens. Les temps futurs seront durs pour les artistes, comme ce fut toujours le cas dans l’histoire. Lla réalité veut que ces derniers soient confrontés une fois de plus à une remise en question obligatoire, qui fait de toute façon partie intégrale de la fonction artistique...
Quelque chose de différent…
Si, au XIX°siècle, la peinture s’est détournée des scènes de guerre, des gentils paysages et des portraits, c’est bien parce que les artistes se sont retrouvés devant une interrogation inévitable : Que se passerait-il, en effet, si une machine prenait le relais sur leur activité ?
Notons, néanmoins que quelques années avant, les ouvriers qui travaillaient dans le secteur du textile, ne se sont pas donné la peine de réfléchir à ce que leur secteur allait devenir, mais se sont simplement contentés de… tout casser (Royaume-Uni en 1812 et France en 1830). L’histoire se répète donc cette interrogation obligatoire pour les artistes, c’est bien entendu celle de l’apparition de la photographie. Le questionnement était – à raison – celui qui consistait à se demander à quoi cela pouvait-il bien servir de faire quelque chose que la photographie pouvait faire mieux qu’eux. Ils auraient pu à l’époque baisser les bras et ne plus peindre à jamais, pourtant ce fut le contraire. La photographie est venue s’ajouter comme nouvelle discipline artistique et quant à la peinture, elle n’aura jamais été aussi créative qu’au XX°siècle. La réflexion à laquelle les artistes doivent faire face aujourd’hui – voire pire encore dans les années à venir – sera orientée sur l’utilité de faire de la composition artistique, alors que l’intelligence artificielle fera cela mieux qu’eux. La véritable question est maintenant de savoir quoi faire, et la réponse est exactement la même qu’il y a 150 ans… quelque chose de différent !
Une expérience intéressante nommée Botto…
Ce quelque chose de différent existe par ailleurs déjà, et à été créé aussi par un artiste… Mario Klingemann.
Chose toute particulière cependant, Klingemann conçoit des algorithmes. On peut admettre que ce n’est pas courant, d’autant plus que l’esprit mathématique appartient souvent à des groupes d’individus différents des artistes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’algorithme génératif qu’il a créé, n’a rien à envier au talent humain. La photo d’une de ses œuvres, ci-dessous en témoigne très largement. Un fait est particulièrement marquant, c’est que Klingemann a traduit ses propres tendances et approches artistiques en langage informatique. La démarche est un peu similaire à celle de l’américain Sol Lewitt, qui ne réalisait pas lui-même les fresques qu’il élaborait. Toutes les informations nécessaires à leur réalisation étaient soigneusement notées dans un carnet qui constituait la véritable œuvre de l’artiste. L’acquéreur pouvait s’il le désirait faire réaliser l’œuvre ou pas, par un artiste secondaire. On retrouve avec Botto un principe légèrement similaire, mais bien entendu le concept est à la hauteur de l’époque. Botto est tout d’abord entouré par une communauté de gens qui ont payé pour faire partie du projet. C’est une autre similarité, mais on retrouve dans le modèle mis en place, le même que celui de l’actionnariat pour une entreprise. Chaque semaine Botto travaille sur 50 œuvres qui vont être soumises à sa communauté. Les membres de celle-ci vont voter pour une seule réalisation qui va être mise en vente aux enchères comme NFT (Non Fongible Token). Les bénéfices de la vente sont ensuite partagés entre les membres de la communauté. La machine se réserve – chose logique – néanmoins une commission. Mieux encore, l’algorithme est ajusté pour adapter son travail en fonction des votes de celle-ci (mais aussi en fonction des ventes réalisées). De cette manière, il va avec le temps développer une faculté aiguë pour produire ce qui plaît aux acheteurs et pour s’adapter aussi à l’aire du temps…
Un coup de massue pour les artistes ?
Bien entendu, avec cet auto apprentissage, il est clair que Botto va être clairement plus prisé par des acheteurs, que des artistes qui revendiquent toujours leur droit à faire ce qu’il aiment et non ce que les gens veulent. Nombre de questions se posent par ailleurs, quand on évalue l’ampleur du phénomène Botto…
Tout d’abord, devrons-nous vivre dans un monde dans lequel les grands artistes ont disparu pour laisser la place à des intelligences artificielles développées par des ingénieurs qui ont eux aussi la fibre artistique ? Si cela devait devenir une réalité, nous pourrions en venir à vénérer des machines appelées Botto – dans des musées virtuels – exactement comme nous vénérons Léonard De Vinci ou Pablo Picasso. Ensuite on peut se demander ce que va devenir l’artiste s’il est obligé de devenir ingénieur et en plus, de substituer son talent à une machine pour pouvoir survivre ? Il semble que ce serait très difficile car, comme nous l’avons vu plus haut, l’esprit artistique n’est pas souvent un esprit mathématique. Néanmoins, on pourrait imaginer que la technologie leur propose un logiciel qui enregistre les goûts et les propositions artistiques en les traduisant en œuvres. Oeuvres qui pourraient elles-aussi être mises aux enchères sous forme de NFT. On en arriverait probablement, bien entendu, dans ce cas à une vulgarisation de l’Art, mais n’est ce pas ce qui est en train de se passer depuis maintenant un siècle ? Tout le monde sait prendre une belle photo aujourd’hui, non ?
D’autre part, ne serait-ce pas une opportunité pour développer un nouveau secteur commercial, accessible aux non artistes ? Secteur dans lequel de nouvelles opportunités pourraient se faire et l’on sait que lorsqu’il s’agit d’argent, l’homme peut faire preuve de beaucoup de créativité. Peut-être Botto signera-t-il la fin du règne de l’humain artiste, mais il pourrait donner aussi naissance à une explosion de l’activité artistique comme cela fut le cas dans le courant des deux siècles passés ?
Toujours est-il qu’une chose est certaine, les artistes n’ont pas fini de se renouveler et s’ils doivent abandonner leurs pinceaux, leurs crayons et leurs appareils photo pour cela, ce ne sera pas la première fois dans l’histoire. Bien au contraire…
Pourquoi les artistes ne deviendraient-ils finalement pas, une figure de proue pour guider les pas de ceux qui vont se faire éradiquer par la technologie dans les années qui viennent ? Après tout, depuis des siècles, ils ont appris à s’adapter aux temps, sans jamais faire grève, sans jamais abandonner la créativité et sans jamais baisser les bras devant la nouveauté.
Pourquoi les choses devraient-elles changer ?