IBM, HP, Boeing, General Electric… Des entreprises géantes, parfois centenaires, qui ont fait souvent bouger le XX°siècle mais qui malheureusement sont incapables aujourd’hui de créer quelque chose de nouveau. Il leur est désormais impossible d’engager une rupture complète avec leurs propres modèles économiques. Car engager une rupture, cela revient purement et simplement à se tirer une balle dans le pied. Une chose extrêmement complexe pour des super infrastructures qui ont déboursé des centaines de milliards de dollars pour être ce qu’elles sont aujourd’hui. Seulement voilà, des petits jeunes, très flexibles et extrêmement créatifs quand à eux, n’ont pas du tout ce problème…
Des tentatives timides pour se renouveler…
Pour échapper à la rigidité, mais aussi pour éviter d’être sur le devant de la scène et d’être dans le collimateur des régulateurs, il existe une solution miracle qui consiste à scinder les activités d’une entreprise en plusieurs parties distinctes. C’est ce qu’a fait récemment IBM et c’est aussi ce que projette de faire General Electric, un autre géant technologique centenaire.
Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais GE est une entreprise historique et non la moindre, car elle a été fondée par Thomas Edison, en personne en 1892. Comme Boeing, General Electric est éprouvée par le temps, diversifiée dans de trop nombreuses activités, pas souvent d’ailleurs en rapport les unes avec les autres. L’entreprise fournit par exemple des réacteurs d’avions et de locomotives, fabrique des appareils électroménagers, fournit des services financiers et immobiliers, distribue de l’électricité (ce qui était sa vocation à la base), développe des réseaux intelligents ou parmis d’autres choses encore, fabrique des éoliennes ou des centrales thermiques. C’est beaucoup trop quand on veut garder les idées claires…
La stratégie actuelle du groupe est donc de découper l’entreprise en trois unités distinctes, chacune dotée d’un conseil d’administration qui lui est propre. L’aviation, l’énergie et la santé seront donc les trois principales préoccupations respectives de ces nouvelles entités. General Electric sera donc bientôt une entreprise spécialisée dans l’aviation. C’est un choix néanmoins stratégique puisque d’une part l’entreprise est déjà active, dans les trois domaines – elle ne sort donc pas des sentiers battus – et cela va aussi l’inciter à se débarrasser de tout ce qui ne rentre pas dans ces trois secteurs. Un bon moyen d’ailleurs pour gagner de l’argent en revendant ce dont on ne veut plus.
Pas de révolution GE en vue…
Les trois domaines sont bien entendu porteurs pour l’avenir, car d’une part l’aviation migrera tôt ou tard vers des systèmes différents de ceux que nous connaissons. Systèmes qui, eux-aussi, sont rigides et n’ont pas évolué depuis plusieurs dizaines d’années, tout comme le secteur de l’automobile avant l’arrivée de Tesla sur le marché. La demande dans l’aviation devrait être de plus importante, avec le développement des voitures volantes et de la conquête de l’espace. Du côté du secteur de la santé, ici encore une révolution numérique est en marche et les GAFAM y sont déjà plongés et comptent bien devenir les leaders dans le domaine. Enfin en ce qui concerne l’énergie, il est très clair qu’il s’agit déjà d’une priorité pour le monde entier et les choses ne sont pas prêtes de changer. Le choix de GE est donc judicieux, réfléchi et même prometteur. Cependant la question reste encore de savoir si l’entreprise va se contenter de développer timidement ce qu’elle fait déjà, ou bien va-t-elle véritablement aller vers une rupture dans ces trois secteurs. Même en se sentant plus légères, les trois nouvelles structures n’iront pas très loin si elles ne font pas preuve de créativité et d’imagination. Car quand on opère une telle mutation, c’est aussi les mentalités qui doivent changer. Ce qui différencie les conseils d’administration de Netflix et celui de GE, c’est l’âge de ses membres et l’ouverture d’esprit sur le XXI° siècle que les premiers ont, et que les seconds n’ont pas. Sans cette ouverture d’esprit, les carottes sont déjà cuites et cette tentative de redresser ce colosse pourrait bien avoir le même goût funeste qu’a été obligé de déguster un autre monument commercial historique, à savoir Kodak. Une entreprise qui rappelons-le était, elle aussi dirigée par des gens qui ne voulait ni croire à la photographie numérique, ni au smartphone. On pourrait aussi dans le même registre rappeler la réaction des administrateurs de Xerox, qui pourtant possédaient des équipes qui ont été capables de mettre au point l’ordinateur connecté tel que nous l’avons aujourd’hui – et ce bien avant l’heure – mais qui jugeaient que personne ne montrerait un jour d’intérêt pour une simple machine à écrire.
Carrefour et Meta, un nouvel espoir ?
Des entreprises qui essayent de s’adapter à ce siècle en adoptant, vulgairement, un système de communication collaboratif interne, il y en a beaucoup… Malheureusement, cela ne suffit pas pour réussir une transition numérique. Vous n’aurez par exemple aucune chance de survie si votre activité économique est celle de la fabrication de sacs plastiques pour les supermarchés, même avec la plus efficace des infrastructures de communication interne entre vos collaborateurs. Certains secteurs comme ceux de l’automobile et de la finance semblent néanmoins réussir mieux que les autres contrairement par exemple aux secteurs liés directement au pétrole ou aux télécoms, qui n’ont aucun moyen de se réinventer. Contre toutes attentes, le secteur de la grande distribution semble lui aussi se mettre à niveau en multipliant les tentatives pour se mettre à la page. Amazon, quoique l’on en pense, a eu un effet plutôt positif sur cette industrie qui se rassurait, elle-aussi dans un conformisme et un immobilisme que l’on pourrait qualifier de consternant. C’est le plus gros concurrent (physique) américain d’Amazon, Walmart qui lui a, le premier – même s’il lui a fallu longtemps pour le réaliser – emboîté le pas et réalisé qu’il existait de nombreuses nouvelles possibilités dans de nouveaux types de consommation, notamment dans une vente en ligne, qui avouons- le, est beaucoup plus agréable pour le consommateur.
On peut s’étonner de tout, mais il semble qu’en France, les grandes enseignes se lancent elles aussi dans l’aventure du commerce en ligne. Fait plus étonnant encore, l’une d’entre elles – et non la moindre – vient de faire appel à deux membres des GAFAM, pour devenir un acteur de premier plan dans le domaine. La chaîne de supermarché Carrefour vient en effet de conclure un partenariat avec Google et avec Meta pour entamer une transition numérique de choc qui est très loin loin de ressembler aux timides tentatives que l’on a l’habitude de voir depuis quelques années dans ce secteur. Google sera de son côté actif pour la formation de 100.000 employés, qui devront s’habituer aux nouvelles méthodes de consommation des individus. Rien n’est vraiment étonnant qu’une entreprise comme Google soit vouée à la formation du personnel dans les entreprises, surtout lorsqu’il s’agit de transition digitale. Le plus étonnant néanmoins est le partenariat de choc avec Meta (anciennement Facebook) qui vient d’être engagé pour créer une force de frappe littéralement chargée de faire de Carrefour un clone européen d’Amazon.
On pourrait se poser la question de l’intérêt soudain de l’entreprise de Mark Zuckerberg pour l’Union Européenne. Rappelons que pour le développement de son futur métavers, The Zuck (et ses collaborateurs) a choisi notre chère terre d’accueil pour développer ce qui va être le futur de l’entreprise. Alors, nous passerons ici sur le développement de systèmes qui vous permettraient d’avoir votre commande de marchandises alimentaires livrée devant votre porte en moins de trois heures, voire même dans les 15 minutes, et cela comprend bien entendu la livraison des repas. Tout cela est en cours et c’est même un standard qui est en train de se mettre en place un peu partout, là où Internet est disponible. Nous passerons aussi sur le fait que plus de 300.000 employés de chez Carrefour vont désormais utiliser la Workplace de Meta et on se doute qu’à terme, la Marketplace de ce dernier pourrait même servir de plateforme à tous vos achats y compris servir à des échanges de produits usagés. Tout cela n’a en fait rien de vraiment étonnant et s’inscrit dans une pure logique d’évolution des choses. En revanche ce qui est plus étonnant c’est que Carrefour compte bien utiliser les possibilités que le Métavers de Meta va mettre en place dans le courant des prochaines années. Ici, nous avons un véritable instrument de réflexion et il importe de bien se pencher sur les débouchés de celui-ci, car il se peut que les grandes enseignes puissent vous proposer un catalogue aussi épais en produits matérialisés que dématérialisés. Quoiqu’il en soit, cette collaboration démontre bien que les pays occidentaux peuvent être complémentaires et qu’avec un peu de bon sens nous pourrions véritablement faire quelque chose de constructif…