Les changements de priorité, malgré une contre attaque d’envergure…

Nombre d’entre nous croyions en 2008 que l’après crise s’inscrirait dans une suite logique du passé. C’est-à-dire que les choses reviendraient à la normale comme elles l’étaient auparavant (au XX°siècle). On le sait, ce ne fut pas le cas. Nous l’avons vu, les valeurs fortes étaient tombées. Le secteur financier, l’automobile et le pétrole, alors qu’ils étaient les moteurs économiques du XX°siècle étaient fortement remis en question. De plus, les intérêts du capitalisme basculaient vers l’expérience humaine…

« L’âge de l’accès se caractérise donc avant tout par cette marchandisation croissante de l’intégralité de l’expérience humaine. Toutes sortes de réseaux commerciaux tissent leur toile autour de notre existence, transformant chaque moment de la vie humaine en expérience marchande17 ». Il est donc logique que la dépendance au produit matériel diminue au fur et à mesure que le monde se dématérialise. Ce phénomène génère un besoin plus attentif au comportement humain et à l’analyse de la culture ainsi qu’à l’exploitation du divertissement. « [Peu] importe le niveau de créativité et d’innovation de votre entreprise, la seule ressource immatérielle qui compte vraiment, c’est votre rapport au client. Tous vos produits sont éphémères, seuls vos clients sont réels18 ». En d’autres termes, l’économie traditionnelle est en train de laisser sa place, sans particulièrement trouver d’équivalent, à une économie d’analyse du comportement humain et de l’intelligence humaine (voir son contraire). Ce même comportement se substitue comme nouvelle richesse. Dans ce contexte, chaque individu ne dépend plus d’une ressource rare extraite et transformée par quelques acteurs économiques, mais il devient lui-même le producteur d’une denrée abondante puisqu’il peut la reproduire à souhait. Si le comportement humain est devenu une marchandise, alors peut-être l’homme s’est-il émancipé d’une des principales contraintes dont il était victime, à savoir le fait de produire du matériel pour survivre. On sait cependant qu’à ce stade, la dématérialisation se re-matérialise en partie aussi dans des datas centers ou autres smartphones. Mais toute mauvaise foi mise à part, si vous rassemblez mille produits de masse dans un petit appareil qui mesure 20 cm sur 10 cm, il semble clair qu’écologiquement parlant, la facture soit moins lourde à payer. Même s’il est vrai que la facture écologique du numérique existe elle aussi. 

On peut tout d’abord poser la question du refroidissement relatif aux datas centers qui « À l’échelle mondiale, [ces infrastructures en 2013] engloutissent 1,5% de la consommation électrique, l’équivalent de la production de 30 centrales nucléaires »19. Un problème majeur qui constitue aussi un facteur de coût important pour les opérateurs des centres de données, mais qui a donné naissance à plusieurs initiatives pour réduire la consommation d’électricité de ces appareils. Parmi d’autres, l’installation de centrales photovoltaïques, la réduction de la consommation avec des systèmes de refroidissement avec de l’eau (water cooling, free cooling) et le recyclage de la chaleur. Du côté des accusateurs, on se pose la question de l’impact écologique lié à l’extraction des métaux utilisés pour la fabrication des smartphones et du fait notamment que la majorité de ceux-ci sont fabriqués en Chine, donc redistribués à grand coups d’émission de CO2 aux quatre coins de la planète. Enfin, surtout de l’obsolescence programmée d’une industrie bien réelle et physique cette fois, qui s’attache inévitablement à produire frénétiquement ce petit appareil et à le rendre obsolète le plus vite possible, avec un cycle de vie très réduit. Ce qui est une grave erreur certes, car cette nouvelle économie devrait par ailleurs se différencier de l’industrie traditionnelle en mettant sur le marché des produits durables, solides et même réparables par l’utilisateur (ce qui est en train de se mettre en place avec des initiatives comme Fairphone). On peut espérer que cette éthique deviendra un véritable leitmotiv du monde numérique dans le futur. D’une part, parce que les fondements qui ont vu l’informatique personnelle naître dans les laboratoires de l’Université de Stanford, sont aussi par extension (même s’il ne sont pas liés directement) proches de l’idéologie écologiste relative à la contre culture des années 60. Une contre culture issue elle-même des philosophes transcendantalistes et plus particulièrement des travaux de Henry David Thoreau. D’autre part, par la nécessité de cette nouvelle économie de se dissocier de l’ancienne. Ancienne qui symbolise une certaine forme de capitalisme qui s’est rendue elle-même, à ses risques et périls, odieuse et non respectueuse de la vie et de son environnement. Chacun s’y reconnaîtra en fonction de ses affinités… 

A cette longue et interminable liste de plaintes contre le monde numérique, on peut encore citer le coût énergétique des liseuses électroniques. Cédric Biagini se réfère à cet effet à une étude réalisée par le cabinet Carbone 4 sur le bilan carbone de la société d’édition Hachette. « Il en ressort que les 163 millions d’exemplaires publiés en un an émettent 178 000 tonnes de CO2, soit un peu moins de un kilo par livre. Pour un reader, de sa fabrication à son « recyclage » en fin de vie en passant par le stockage des fichiers, on arrive à… 240kg »20. Ce sont de grandes conclusions pour ce petit appareil qui n’avait pas encore eu le temps de faire ses preuves, à peine quelques années après sa première mise en service (cinq ans). 

En réalité, s’il s’agit probablement d’une évaluation exacte, elle est néanmoins incomplète, car ce calcul comprend le processus de fabrication d’un livre depuis l’arbre jusqu’à son acheminement dans l’entrepôt du distributeur21. Mais ce dernier ne tient pas compte de l’empreinte carbone liée à la fabrication des camions, du raffinage du pétrole nécessaire à les faire rouler, ni de celle liée à la fabrication, au fonctionnement et à la maintenance des usines de pâte à papier, du papetier ainsi que de l’imprimerie et enfin de l’entrepôt du distributeur (sans tenir compte aussi de l’empreinte carbone liée aux déplacements des ouvriers et des employés qui y travaillent). Enfin le calcul ne comprend pas non plus l’acheminement chez les détaillants, ni même celle liée au déplacement de l’acheteur vers le détaillant. Des livres restent certes, mais ce n’est pas forcément le cas de magazines et de nombreux imprimés. Nombre d’entre eux terminent en effet dans la poubelle ou dans la corbeille de recyclage et devons nous le rappeler, le recyclage a lui aussi son coût énergétique ?  

Nous vivons à un moment de l’histoire où tout est bon pour discréditer ceux qui menacent l’équilibre installé et tout cela finalement est de bonne guerre. Il est devenu par ailleurs coutume de dire qu’un courriel (au pire ou au mieux une vidéo sur YouTube) pollue tout autant qu’un courrier sur papier. Mais soutenir que le monde numérique est plus polluant que l’économie traditionnelle me semble néanmoins risqué. Il n’existe pas encore à l’heure actuelle – à ma connaissance du moins – d’études comparatives précises sur ce que consommerait en énergie toutes les activités cumulées du monde numérique et de son équivalent dans le monde physique. Des résultats donnant le monde physique gagnant en terme de consommation énergétique pourraient, il  me semble, faire sourire. Le livre numérique arrive directement de l’éditeur au consommateur sans passer par la case du produit prêt à être jeté ou encore recyclé. Il en va de même pour les lampes de poches, les appareils photos, les boussoles, les réveils, les radios et les dizaines d’objets dématérialisés qui sont inclus dans un smartphone. Il serait intéressant à ce propos de retracer l’histoire d’un  réveil radio à partir de sa conception et de sa fabrication  jusqu’à sa destruction. L’outil numérique a son coût énergétique lorsqu’il est produit et acheminé (et lorsqu’il est utilisé), c’est vrai, mais l’empreinte carbone qui est liée à l’ensemble de l’industrie numérique est définitivement moindre que celle générée par les 100 entreprises – principalement pétrolières ou liées à l’exploitation du gaz – qui sont responsable de 70% des émissions de CO2 sur la planète. 

Dans le marasme des informations dont nous disposons aujourd’hui – marasme dans lequel certaines études, toujours plus sérieuses les unes que les autres, essayent de faire croire qu’un composte dans le jardin ou qu’une vidéo sur YouTube est plus polluante qu’un voyage en avion – on estime environ la dépense énergétique du monde numérique à 10% de la production mondiale (et son impact sur les émissions de CO2 rappelons-le, à 4%), soit l’équivalent du secteur de la climatisation. Cette dépense énergétique est certes exponentielle, mais le monde numérique possède tous les atouts pour pallier cette lacune. Faut-il rappeler que c’est une faculté que le vieux couple n’a tout simplement pas ?

Il semble évident que le numérique n’est pas, pour le moment tout à fait vert (il est aussi important de rappeler qu’il n’a pas du tout la prétention de l’être), mais néanmoins la dématérialisation générale du produit physique qui est engagée, le développement permanent de la puissance de calcul des microprocesseurs, ainsi que les nouvelles méthodes de stockage de données, peuvent laisser penser qu’à moyen terme, la numérisation se posera comme une solution indiscutable au réchauffement climatique. Certains experts, à la place de tirer sur l’ambulance, devraient plutôt se concentrer sur des questions telles que : Où nous mènent ces autoroutes et que pouvons-nous faire avec celles-ci ?

La production d’électricité propre ne serait pas un problème si on allait  directement vers des systèmes alternatifs. Rendez-vous sur des sites spécialisés dans cette thématique – puisque la presse traditionnelle n’en parle pas du tout – et vous vous rendrez compte de ce qu’il est possible de faire. De plus, aujourd’hui, il est possible de trouver un tutoriel pour fabriquer à peu près tous les produits que l’on trouve sur le marché. Et cela part des produits d’entretiens ménagers, en passant par des vêtements, des drones, des générateurs, voire même des éoliennes individuelles. 

Vous voulez fabriquer un vélo qui produit de l’électricité ? 

Pas de problème, vous avez des tutos très bien faits par des jeunes gens extrêmement talentueux qui vous expliquent comment vous y prendre. Faut-il pour autant considérer cela comme un retour en arrière ? 

Tout dépend de la grille de lecture que l’on utilise. L’éolienne est-elle un retour en arrière ou tout simplement une véritable remise en question des erreurs qui ont été commises au XX°siècle ? 

Le retour à l’artisanat n’est-il pas un retour en arrière par rapport au produit industriel ? 

N’est-il pas pour autant une solution à la problématique du réchauffement climatique (avec en bonus, une vie plus saine et non plus chimique comme nous la subissons aujourd’hui) ?

Sébastien Colson 

C’était bien ?

Bon…

Mais ce n’est pas tout, car une époque formidable c’est aussi un site Web et des centaines de réflexions qui traitent des problématiques de notre monde et c’est aussi…

Un bureau de rédaction, d’illustration et un service de sponsoring !

Ah oui, au fait, nous sommes aussi sur Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et nous avons aussi un groupe sur Facebook sur lequel nous pouvons discuter de toutes les problématiques qui se posent à nous, donc on vous y attend car nous avons besoin de vous !

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